Un film réalisé par Damien Chazelle
Une pincée de Once Upon a time in Hollywood (Tarantino), un zeste du Le Loup de Wall Sreet (Scorsese), une touche de The Artist (Hazanavicius) et un soupçon de La La Land (Chazelle)…
Babylon est un mélange d’émotions où nous nous frayons un chemin entre rire gêné, malaise, attendrissement, angoisse et même la nostalgie d’un temps que nous n’avons pas connu : Hollywood dans les années 1920. Autrement dit un temps d’excès, d’alcool, de drogue, de fête, de démesure, d’audace, de frénésie…
Pourquoi aller le voir alors qu’il dure 3h09?
Parce que c’est le nouveau film de Damien Chazelle qui nous a déjà ébloui avec Lalaland en 2016. Cette fois, ce n’est pas une comédie musicale et pourtant il faut autant regarder qu’écouter Babylon car la bande son de Justin Hurwitz est époustouflante. Elle épouse le montage au rythme endiablé qui fait défiler à l’écran Margot Robbie (wow), Diego Calva et Brad Pitt.
C’est l’histoire d’un monde du cinéma excentrique : une fête interminable et des tournages avec les moyens du bord. Même s’il n’y a pas encore le son au cinéma, la bande son qui résonne dans la salle nous transporte dans ce chaos minutieux dès les premières minutes.
Au bout d’une demi heure le titre apparaît et on en a déjà plein les yeux et les oreilles. Ce titre n’est pas un hasard. C’est l’arrivée du parlant au cinéma en 1927. C’est donc la chute du cinéma muet. Nous assistons au passage du “merveilleux” (si l’on peut appeler comme ça le fait de se droguer, de faire la fête et l’amour en permanence) au décadent. En effet, si le vulgaire était jusqu’alors sublimé, il ne peut résister à la modernité des studios. La métamorphose du secteur cinématographique est à la fois technique et morale car paradoxalement, l’arrivée de la voix dans les films est accompagnée de la censure avec le code Hayes.
Ces 3h de notre temps résument des années entières dans le film en un tourbillon de couleurs, costumes, décors et personnages. L’art du cinéma est ici plus qu’un simple divertissement : c’est une tentative de révéler la personne de chair et d’os qui vieillit et se démode derrière l’acteur, qui est lui rendu immortel par la caméra. On passe de l’euphorie des acteurs que nous suivons au début des 1920 à leur déclin à la fin de cette décennie.
Derrière ce foisonnement, il y a une multitude de références à l’histoire du cinéma et notamment des extraits des premiers films parlants comme Singing in the rain (Donen et Kelly) qui symbolise l’acceptation à cette nouvelle façon de faire du cinéma donc l’adaptation à ce nouveau monde.
On se retrouve face à un magma cinématographique qui raconte une Babylone audiovisuelle. On sort de la salle les yeux remplis de couleurs et les oreilles bourdonnantes, en se disant que le cinéma est aussi cruel que magique.
C’est un film qui ne plaira peut-être pas à tous, mais c’est aussi là sa force : dans tous les cas, une fois vu, on ne peut pas rester indifférent. On a forcément un mot à dire sur ce que l’on vient de voir, d’entendre, de comprendre (ou pas) et surtout, sur notre propre vision du cinéma.
Par Jeanne Pascal