Décidément les faits divers ont la cote à Hollywood. Avec American Sniper, Clint Eastwood s’attaque à la vie de Chris Kile, le plus redoutable tireur d’élite de l’armée américaine pendant la guerre en Irak. Très vite surnommé « la légende » par ses compagnons d’armes, le sniper revendique avoir tué plus de 250 personnes pendant la totalité du conflit. Cible numéro un des insurgés, le danger est permanent pour ce père de famille qui essaie tant bien que mal de concilier sa vie de famille aux Etats-Unis et les atrocités des combats.
Véritable succès en salle, le film trouve une audience auprès d’un public américain conservateur et patriote. Pour les européens que nous sommes, difficile de ne pas rester de marbre face à l’histoire de ce militaire à l’idéalisme primaire, pur produit du conformisme outre atlantique. Si Clint Eastwood tente vainement d’humaniser ce sniper meurtrier derrière la bonne tête de Bradley Cooper, la violence du film n’en reste pas moins ambigüe, voire contradictoire. En filmant les moindres faits et geste de son héros, le réalisateur ne cherche pas à porter de jugement. Il peint la guerre dans toute sa cruauté et son réalisme. Mais cette absence de parti pris dérange. On a bien trop souvent l’impression que notre repenti des Westerns spaghetti, adepte du patriotisme de l’Oncle Sam, cherche à glorifier la vie du sniper le plus létal de l’histoire des Etats-Unis.
La fin annoncée, la disparition tragique de Chris Kile, nous laisse un goût amer. Il est abattu par un ancien marine souffrant de symptômes post-traumatiques qu’il essayait d’aider. Les mouvements de liesse populaire que provoque son inhumation nous donneraient presque envie de pleurer. Bref, il y a quelques années on aurait encore appelé cela un film de propagande, aujourd’hui on se dit juste qu’on a affaire à un « vrai » film américain…
Raphaël Londinsky