Un Homme Irrationnel, ou l’agréable surprise de la cuvée Woody Allen 2015. A l’image de son réalisateur, cette comédie grinçante est pleine d’humour et de cynisme. Joaquin Phoenix a dû prendre du ventre pour incarner un professeur de philosophie, croulant sous le poids de sa vie, et rongé par le désespoir de n’avoir pas pu changer le monde. Dans la première scène du film, il arrive sur le campus de l’université où il va dorénavant travailler, et se lie rapidement avec deux femmes, Rita, une professeure drôle, attachante et mariée (très bien interprétée par Parker Posey) et Jill (Emma Stone), sa belle et brillante étudiante. Les deux femmes lui vouent une admiration doublée d’une fascination pour sa souffrance, et aimeraient jouer le rôle de muses inspirantes et bienfaitrices, hélas sans succès. Jusqu’au jour où une conversation surprise entre des inconnus lui redonne l’envie de rétablir la justice et un sens à sa vie. Dès lors, Abe abandonne sa flasque de whisky, et savoure à nouveau l’existence, avec l’ambition de faire “du mal pour le bien”. Les questions de morale, de hasard et de liaisons amoureuses s’entremêlent : elles constitueraient le cœur de l’intrigue, si la musique ne renversait pas le dispositif. En effet la bande son révèle la nature profonde du film. Tous les éléments de la tragédie sont dissimulés dans une ambiance sonore jazzy, dynamique et rythmée. Les problèmes existentiels des personnages sont ainsi relégués au second plan dans cette ambiance musicale légère, ce qui confère au spectacle un caractère très ironique, propre à la tragi-comédie. Ce film s’inscrit dans la lignée des Woody Allen : les thématiques importantes de l’attirance pour la transgression, du véritable sens de nos vies, des rapports de couples y ont suggérées, sans jamais tomber dans des considérations pathos.
Julia Lasry