En 2009, Henry Selick nous prouvait qu’il n’y a pas besoin de s’appeler Tim Burton pour réaliser un dessin animé fantastique d’excellente facture et inquiétant juste ce qu’il faut. Certes, il a travaillé avec ce dernier – en tant que co-réalisateur de L’Etrange Noël de Monsieur Jack, rien que ça- , mais Coraline ne donne pas l’impression d’une pâle copie du maître. Au contraire, le dessin animé, adapté du roman éponyme de Neil Gaiman – ouvrage jeunesse excellent, mais un brin perturbant – impose une pâte graphique bien particulière, dont les couleurs vives et l’effet « fait main », auquel contribue la stop-motion, semblent trancher avec la noirceur du sujet.
La réalité est plus subtile. L’intérêt de Coraline c’est que sa forme évolue en accord avec son fond. Ainsi le charmant récit d’aventure d’une gamine en exploration se transforme en histoire d’horreur qui évoque des thématiques aussi préoccupantes que la séquestration ou encore le besoin pathologique d’affection ; de même les créatures et décors fantasmagoriques colorés et exubérants se corrompent peu à peu et se révèlent terrifiants. La musique contribue à produire cette sensation : aux couplets entraînants et joyeux succèdent des morceaux instrumentaux inquiétants signés par le compositeur français Bruno Coulais – l’un d’eux a d’ailleurs été repris par la suite pour une publicité Nina Ricci.
Ces contrastes, cette ambivalence entre gaieté et terreur, semblent montrer en filigrane l’importance de la perception et des interprétations qui en découlent. L’inventivité n’est non pas un vain échappatoire à une existence décevante, mais bien un outil de transformation du monde. Rien de très surprenant, quand on sait que Henri Selick a également réalisé le long-métrage James et la pêche géante.
Estelle Naud