Une rue enneigée du Lyon de la fin du XIXème siècle. Quelques passants se livrent à une féroce bataille de boules de neige. Un homme à bicyclette passe sur le champ de bataille, il devient la cible idéale. Il tombe sous les coups enneigés des passants et agacé, rebrousse chemin.
Voilà un film que vous n’avez aucune raison de ne pas regarder. Pourquoi ? Cette petite pépite des Frères Lumière dure 52 secondes. La scène a été tournée en 1896, un an après l’invention de leur cinématographe, appareil révolutionnaire qui permettait tant de capter les images que de les diffuser. Les Frères Lumière avaient l’habitude de poser leur cinématographe partout où les conditions le leur permettaient : une rue, une gare, leur salon, pour capter des plans fixes qui sont les premiers de la longue histoire du cinéma. De fait, les Frères Lumières étaient les chantres des scènes de la vie quotidienne : leurs films n’étaient pas des films, mais des « vues » : on invitait le spectateur à voir de courtes séquences de vies, immortalisées par la caméra. C’est ce qui donne aux films des Frères Lumières toute leur force : on entre dans un monde touchant par sa sincérité, sa vérité. L’image des Frères Lumière est une image qui ne trompe pas.
Les Frères Lumière nous montrent que rien n’a changé, sauf peut-être la neige qui n’est plus si présente : avant déjà, on s’amusait comme des enfants dès la chute des premiers flocons. La scène est sans doute orchestrée de bout en bout par Louis et Auguste, mais qu’importe, on voit bien que les acteurs ne jouent pas seulement un rôle maintes fois répété : la franche rigolade ne s’improvise pas. C’est ce qui donne à la scène son caractère tant humoristique qu’émouvant. On éprouve la naïveté d’un cinéma encore tout jeune et on s’en délecte !
Brice Ballot