Le drôle de Noël de Scrooge, quand le froid réchauffe les cœurs

 

« Le brouillard et le froid continuaient de croître. Un froid vif, pénétrant, cuisant. […] Le possesseur d’un jeune et maigre nez, grignoté et mâchonné par le froid comme les os sont rongés par les chiens, se baissa devant le trou de serrure de Scrooge pour le régaler d’un chant de Noël… »

Charles Dickens, A Christmas Carol

 

Le drôle de Noël de Scrooge, réalisé par Robert Zemeckis en 2009 est une adaptation animée du célèbre conte A Christmas Carol écrit par Charles Dickens et paru en 1843.

Le conte se situe à Londres en pleine apogée de l’ère industrielle victorienne. Ebenezer Scrooge est un marchand usurier aussi riche qu’avare. Obsédé par le profit, il s’enferme dans une spirale de solitude et d’aigreur démesurée. Scrooge exhibe continuellement un air impassible, cupide et excessivement ronchon. Une veille de Noël fantomatique, fête qu’il méprise au plus haut point, va bouleverser la vie du vieux misanthrope. Son défunt associé lui rend visite pour lui annoncer la venue de trois esprits : l’esprit des Noël passés, l’esprit des Noël présents et enfin l’esprit des Noël futurs. Cette singulière nuit va le replonger dans ses souvenirs et regrets les plus enfouis afin de lui montrer à quoi ressemblera son futur s’il continue à nier l’existence du bonheur et de l’amour. Cette expérience va bouleverser la vie de Scrooge à jamais… Les Studios Disney adaptent un conte classique intemporel et universel qui continue d’émouvoir les petits et les grands.

Avec Le drôle de Noël de Scrooge, Zemeckis (Qui veut la peau de Roger Rabbit ? et Le Pôle Express) certifie un scénario et un visuel réussi. Le public est facilement embarqué par la beauté des images. La qualité narrative du conte est retranscrite par l’animation visuelle, à la pointe de la technologie motion capture.

Zemeckis se sert de la technique communément appelée performance capture pour son film d’animation Le drôle de Noël de Scrooge. Ceci consiste à enregistrer les mouvements et expressions des acteurs pour animer les personnages modélisés. Les fantastiques mimiques de Jim Carrey offrent à Scrooge un visage très singulier, mais absolument pas clownesque ou ridicule.

L’esthétique splendide du film est due à une motion capture très détaillée et incroyablement réaliste. La ville de Londres a une certaine consistance qui permet au spectateur de se plonger dans l’époque victorienne industrielle. On notera d’ailleurs la beauté du travelling avant qui traverse la ville au début du film. La bande originale, signée Alan Silvestri (Forrest Gump, Retour vers le futur, Le Pôle Express) est prodigieusement envoûtante et amplifie l’ « ambiance Noël » du conte. Zemeckis traduit les mots du conte en images de synthèse avec une subtilité remarquable. Ces choix et techniques visuels, donnent à voir l’émotion et la cruauté du conte. On remarquera que cela est étonnant pour un Disney de Noël car le public visé est censé être relativement juvénile. Le drôle de Noël de Scrooge est d’ailleurs peut être un peu trop terrifiant pour de jeunes enfants… C’est un Disney qui rejette la féerie utopique pour parler de la vie réelle qui n’est pas toujours si idyllique, dans une atmosphère sinistre et fantastique. Quoi qu’il en soit, la morale du film demeure très optimiste. Petit bémol, on pourrait même percevoir dans quelques scènes un surplus d’effets visuels grandioses… dans le but de capter l’attention d’un public jeune. Le spectateur peut parfois avoir l’impression que le réalisateur veut prouver ses prouesses techniques au détriment de la création cinématographique même.

Scrooge est un personnage dickensien célèbre et symbolique dans l’imaginaire collectif. En Grande Bretagne, il a longtemps représenté une sorte de Père Noël du peuple.

Au-delà du conte de Noël festif destiné à un jeune public, A Christmas Carol est avant tout un conte satirique sur l’économie et le pouvoir de l’argent. Le récit questionne la société et l’accomplissement personnel. Dickens expose une révolte contre les inégalités sociales dans la société capitaliste industrielle. Il met en avant la vertu de la générosité des plus riches envers les plus démunis.

Il dénonce les riches maîtres dont l’unique but est de faire du profit au détriment du bonheur de leurs employés. Ceci est largement exposé par l’indifférence de Scrooge face à son employé Bob Cratchit. Dans son conte, A Christmas Carol, Dickens se positionne en porte parole des plus démunis et redonne au travail une certaine humanité bouleversant les rapports hiérarchiques trop autoritaires. Dans  Le drôle de Noël de Scrooge, les enfants semblent condamnés. Le petit Tim est destiné à mourir et les jeunes enfants qui apparaissent dans les songes de Scrooge sont résignés à demeurer pauvres et abandonnés toute leur vie. Or, Dickens affirme dans son œuvre que la lutte contre la pauvreté est envisageable grâce à l’éducation. On pense instinctivement au leitmotiv des Ragged Schools gratuites dans la littérature de Dickens, permettant d’offrir un minimum d’instruction à la jeunesse délaissée.

Le fantastique se sert des symboles pour dénoncer les préoccupations sociales d’une société industrielle. Le cinéma d’animation rend les choses plus explicites par des allégorie et des images.

Le monde réel est remis en question par le monde fantomatique. L’animation permet de concrètement signifier la réalité. Quand l’esprit des Noël futurs rend visite à Scrooge, la Faucheuse  représente l’allégorie de la mort qui poursuit le héros.

Le message religieux et les inspirations bibliques du conte sont indéniables. Le récit met en évidence l’importance de la rédemption du héros égaré… à la manière de la littérature du Bildungsroman (roman d’apprentissage). Le lecteur ou spectateur est en proie au cheminement évolutif du héros Scrooge, bien qu’il ne soit pas jeune. Le héros ne découvre pas mais redécouvre les moments intenses de son existence et en tire des leçons. Le conte transmet une morale idéaliste, la quête du bonheur par l’amour de son prochain. On pourrait résumer la morale du conte avec la dernière phrase du film « god bless us ».

Le drôle de Noël de Scrooge est un conte rempli d’espoir, doté d’une charge émotionnelle forte. L’adaptation de Zemeckis est touchante mais absolument pas tire-larmes. C’est une réflexion sur les étapes de la vie, le bonheur, le repentir et l’importance de nos actions sur terre. En voyant Le drôle de Noël de Scrooge, on ne peut pas s’empêcher de penser à La vie est belle de Frank Capra, énième film à revoir l’hiver au coin du feu. La vie est belle est une hymne à la vie, gorgée d’espoir. L’élégant James Stewart y interprète un homme qui est sur le point de se suicider. Son ange gardien doit le sauver en lui faisant le récit de sa vie. La vie vaut-elle la peine d’être vécue ? Qu’est ce que notre infime vie a apporté de grand sur cette terre ? Le conte met en avant l’idée de fatalité, de dévouement et d’espoir.

Pour résumer, Le Drôle de Noël de Scrooge fait preuve d’un art visuel splendide dont la charge fantastique et émotionnelle est remarquable. Malgré la noirceur de l’œuvre, l’adaptation de Disney dispose d’une touche de féerie. C’est un Disney relativement sombre qui oscille entre nostalgie et optimisme. Le Drôle de Noël de Scrooge est un blockbuster juste et intelligent. Bref, ce film est idéal pour se mettre dans l’ambiance des fêtes de fin d’année.

ATTENTION : Il faut aimer l’image de synthèse et avoir, de préférence, plus de 9 ans.

Charlotte Renaudat-Ravel