Après un court métrage d’un grand talent en première partie racontant les mésaventures d’un oisillon, votre 17ème grande production Pixar ne nous prédisait que du bonheur pour les aventures du poisson chirurgien le plus connu du courant Ouest australien. Raté ! Le monde de Dory se contente de peu, tant au niveau visuel que narratif. Vous qui vous vantez de développer univers, scénarios et personnages pour chacun de vos films, vous ne construisez ici rien de nouveau, de drôle ou d’époustouflant.
Tout l’intérêt du film le Monde de Némo, ou Finding Nemo pour les puristes, résidait dans deux choses : le personnage terrifié mais courageux du père de famille et l’aventure haute en couleurs et en émotion que vivait chaque personnage. Ici, Marin, le père de Némo, bien que toujours fidèle à lui-même, est totalement effacé de ce film au profit d’un poulpe essayant péniblement de se hisser au même niveau de scepticisme que lui. De même pour Némo qui, accompagnant son père à la recherche de Dory (inversement intéressant de la situation qui aurait pu être utilisé comme ressort comique), ne nous offre rien de plus que les 10 dernières minutes du premier opus.
De plus, il y a dans ce film un manque incroyable de danger. Alors que votre premier film ne s’articulait qu’autour de réels et crédibles risques (baleine, méduses, dentiste, mouettes, requins, mines, poisson lanterne, Darla, égouts, pécheurs, filets, esturgeon du début et pélicans), dans le monde de Dory nous pouvons les compter sur les doigts d’une seule main à trois doigts (seiche, enfants et camion de livraison). Et à aucun moment, durant l’affrontement de ces dangers, il y a du suspense. Il ne s’agit donc pas d’une aventure puisqu’il y a absence de péripéties et de rebondissements.
Pour un studio d’animation qui a réussi à nous faire croire en des aventures qui se passent dans un quartier (Toy Story), à l’intérieur d’un esprit (Vice Versa), ou même dans un coin de campagne (1001 pattes) la possibilité infinie d’un océan vous submerge apparemment. La majeure partie du film se passe hors de l’eau dans un centre (un zoo ?) aquatique. « Ah super ! On va surement retrouver quelques clins d’œil aux personnages de l’aquarium du cabinet du dentiste autour du thème de la liberté !!! » Non.
Les personnages intelligents de votre premier film comme le pélican, les habitants de l’aquarium, les crabes sont remplacés par des personnages débiles : un requin baleine aveugle (pas assez gros d’ailleurs), une baleine à bosse qui ne sait plus se servir de son sonar et enfin, une otarie et un oiseau, tous deux à la limite de l’internement.
Heureusement cette bande de gros lourdauds est sauvée par deux otaries sympathiques, un poulpe assez égoïste et une armée de loutres pour le quota mignon(extrêmement mignon même). Les parents de Dory, eux sont neutres. Sans être inintéressant, le spectateur n’a pas le temps ni l’envie de s’attacher à eux.
Que des mauvaises idées pour ce film ! Déjà faire un biopic sur le personnage le plus amnésique et le plus pénible des dessins animés c’était pas l’idée du siècle cher Pixar, mais en oublier tous les meilleurs ingrédients du premier film et rajouter des personnages caricaturaux (le poulpe est intelligent, les loutres mignonnes, les parents inquiets mais confiants), des scènes fades et ternes (algues marines, canalisations, camion de livraison) autour d’un scénario peu crédible (un poulpe qui conduit un camion et une poussette, des poissons qui sautent de jet d’eau en jet d’eau… etc.) ce n’est pas digne de votre maison d’animation.
Le monde de Dory reste tout de même un bon film d’animation, qui fait sourire la famille et qui nous replonge dans ce trio de personnages qui nous avait tant manqué. Les clins d’œil au cinéma et aux suites de films de manières générales sont amusants et très bien placés comme toujours. Mais de leur côté, votre concurrent et propriétaire, Disney lui, travaille sur des nouveautés couronnées de succès (la Reine des Neiges, Zootopie, Vaiana). Comme quoi, la création originale ça paye ! Et pour la suite vous prévoyez quoi Pixar ? Cars 3, Coco, les Indestructibles 2, Toy Story 4.
Néanmoins vous vous êtes récemment rendu compte du risque des suites.
D’ici 2020, plus d’un tiers de vos productions grand écran seront des suites. Toujours pas de séries d’animation à l’horizon mais une ribambelle de films-suites. En espérant que les suites qui suivent soient aussi drôle que leur création et pour la suite de vos projets, sceptique, je dis : « à suivre… ».
Tom Crouzet