Inspirée du film Mondwest (1973) réalisé par Michael Crichton, cette production ambitieuse imagine une technologie de pointe permettant d’explorer en profondeur l’humanité et ce qui la définit.
Westworld met en scène un parc d’attraction futuriste dans lequel des visiteurs fortunés viennent découvrir le monde du Far-West. Somme toute, un Puy du Fou amélioré version Western. Sauf qu’il est peuplé d’androïdes, appelés « hôtes », pratiquement impossibles à discerner des êtres humains. Les visiteurs sont intouchables et armés dans cet Eldorado, ce qui leur donne le droit de torturer, violer et tuer les hôtes comme bon leur semble. Alors que se passe-t-il quand certains hôtes se rendent compte de leur condition ? Puis, si les hôtes ressentent et agissent comme des être humains, pourquoi les traiter sans respect ou empathie ? Entre alors un véritable enjeu moral qui viendra peser sur la série.
Diffusée en 2016 par Jonathan Nolan et Lisa Joy, Westworld continue de surprendre ses fans par son inventivité, mais aussi par sa complexité. La saison 2, diffusée en juin dernier, a plongé les spectateurs dans un véritable labyrinthe scénaristique dont le fil d’Ariane a parfois été difficile à retrouver.
Cette production à haut budget signée HBO (autour de 100 millions de dollars pour la saison 1) a vu le tournage de la saison 3 ralenti par les terribles incendies survenus en Californie qui ont brûlé une partie des décors. Il faudra à priori attendre le printemps 2020 pour découvrir les prochaines aventures de Maeve, Dolores et Bernard.
Puisqu’il faut s’armer de patience avant de connaître la suite de Westworld, je propose que nous nous intéressions de plus près aux thèmes centraux de la série : la relation entre créature et créateur, le transhumanisme et enfin l’immortalité.
La créature et son créateur
On dit que Dieu a créé l’homme à son image ; et le thème biblique de la création revient sans cesse au cœur de la fiction (on pense bien sûr aux aventures du Dr Frankenstein et de son monstre). Westworld n’est pas une exception.
Les relations entre créature et créateur sont tout aussi essentielles à l’intrigue que complexes dans la série. Il y a deux créateurs d’humanoïdes dans Westworld, les pères fondateurs du parc : Arnold Weber et John Ford. Ils ont deux manières très différentes d’appréhender leur création.
Ford entretient une relation Dieu-Mortel avec ses hôtes. Il est tout puissant, capable d’arrêter leur mouvement, de les faire parler. Il prend visiblement plaisir à les contrôler et, bien que désireux de les perfectionner, tient à rester leur supérieur en tout. Cette conception de la créature se trouve déjà dans la mythologie judaïque avec le « golem » : une créature d’argile, animée par un verset biblique écrit sur son front. Il symbolise la peur des hommes face à leurs créations. Ford est extrêmement prudent avec ses hôtes et tient à ce qu’ils restent dans les rangs jusqu’au jour où son pouvoir est remis en question par les actionnaires du parc et qu’il décide d’utiliser les capacités émotionnelles des hôtes à son avantage.
A l’inverse, Arnold Weber se considère presque comme un père pour ses hôtes, et développe une relation similaire à celle de Pygmalion et Galatée avec Dolorès. Il est persuadé qu’il est capable de réveiller la conscience des hôtes, de leur faire réaliser et dépasser leur condition de robot. Il crée pour cela le labyrinthe, qui occupe une place importante dans la série et représente le chemin parcouru par les hôtes jusqu’à la conscience.
Le montage de la série fait justement écho à ce labyrinthe car l’intrigue prend plaisir à « perdre » le spectateur en abolissant la chronologie et en nous faisant douter de l’identité des personnages.
L’arc narratif de la relation entre créateur et créature est très vite dépassé en saison 2 avec l’apparition d’un double robotique de l’un des personnages qui pose alors une nouvelle question : celle du transhumanisme.
Une réelle réflexion sur le transhumanisme et l’immortalité ?
On définit transhumanisme comme un mouvement intellectuel international qui promeut l’utilisation des découvertes scientifiques et techniques pour l’amélioration des performances humaines.
Dans Westworld, les découvertes scientifiques imaginées permettraient tout simplement de ne pas mourir. L’idée qui porte le nom de « grand projet » dans la série serait de réussir à coder la conscience et la backstory des visiteurs du parc afin de pouvoir intégrer ces données dans des hôtes-sosies. Ainsi, une fois morts, les visiteurs pourraient être réincarnés en robot en conservant leur personnalité, leur histoire, leurs souvenirs.
Cette idée ne paraît pas tout à fait éloignée de la réalité puisque les avancées technologiques actuelles tendent vers cela. Beaucoup d’expériences sont notamment menées en ligne par des intelligences artificielles informatiques. Cependant, il y a des ratés dans la copie des données.
Par exemple, un chatbot Microsoft appelé Tay, qui avait pour but de mimer la manière de parler des ses interlocuteurs, a été la cible de trolls et a dû être mis hors service après avoir multiplié les injures racistes et misogynes douteuses. Par ailleurs, la création de Sophia le robot, mis au point par Hanson Robotics, nous démontre que la technologie sera bientôt capable de répliquer presque parfaitement les êtres humains.
Cela laisse penser que nous ne sommes pas loin de la création de robots hyper réalistes, et Westworld offre quelques pistes de réflexions sur comment les traiter et comment les commercialiser.
Faut-il dès maintenant questionner la manière dont nous percevons notre propre humanité ?
Il y a dans Westworld un véritable parallèle entre l’évolution des êtres humains théorisée par Darwin et celle des robots : les erreurs informatiques mènent les robots à évoluer et se développer, comme l’espèce humaine a été génétiquement modifiée suite à des « erreurs », des mutations. Ce parallèle pousse le spectateur à développer une véritable empathie pour les robots, que l’on souhaite voir gagner dans cette guerre contre les humains.
L’une des citations emblématiques de Westworld « Ces plaisirs violents ont toujours des fins violentes », tiré de Roméo et Juliette, nous rappelle que la violence crue et gratuite avec laquelle les hôtes sont traités dans la série ne peut que mener à une rébellion violente. Ainsi, on pourrait prédire la fin de la série avec une victoire des hôtes et leur infiltration dans la société.
Ilana BOUNEAU