A Ghost Story – David Lowery

Entre production hollywoodienne et film d’auteur, histoire d’épouvante et d’amour, A Ghost Story de David Lowery est unique en son genre. On y retrouve le duo d’acteur Rooney Mara et Casey Affleck, déjà présents à l’écran dans Les Amants du Texas (2013). Le speech du film se résume en quelques mots : le fantôme d’un homme revient veiller sur sa femme après sa mort en errant dans leur maison.

Une histoire de fantôme

A Ghost Story, c’est l’histoire d’un deuil, mais davantage celui du défunt que celui de sa veuve. Contrairement à la tradition Hollywoodienne qui veut que l’on donne un visage à la mort, le défunt n’a ici pas à la Ghost (1990) l’apparence qu’il avait de son vivant. Il est une silhouette lente et muette qui erre en scrutant les faits et gestes de son épouse. Celui-ci n’est vêtu que d’un drap blanc percé au niveau des yeux par deux trous, qui, de façon originale, ne laissent transparaître aucune humanité. Dès les premières secondes du film, alors que le drame n’a pas encore eu lieu, l’atmosphère est lourde et silencieuse : tout est fait pour mettre l’intimité des personnages en relief. Mais cette intimité n’est jamais explicitement dîtes, elle doit transparaître. Le spectateur se trouve alors mal à l’aise, un passage obligé selon le réalisateur, car il s’agit d’éprouver cette gêne pour la dépasser, de ressentir plus que de constater.

Mais de quoi nous parle A Ghost Story ?

Pas d’action… réaction !

Il a d’abord vocation à nous faire perdre nos repères. Temporels tout d’abord, en recourant à de longs plans fixes. La scène où le couple s’embrasse dans un lit, celle où la jeune femme mange une tarte assise sur le sol de sa cuisine nous mettent en haleine plusieurs minutes sans qu’elles ne se résolvent par quoi que ce soit. Puis c’est le fantôme qui vient nous tirer par la manche. Ses repères à lui, il les perd lorsque sa femme décide d’aller de l’avant et de quitter la maison. Il se met à l’attendre, et à converser avec le fantôme de la maison d’en face, qui lui aussi attend quelqu’un. Puis, décidant qu’elle ne viendra peut-être pas, il se met alors à aller et venir dans le temps et l’espace. Son trajet n’a pas de réelle cohérence, on peut cependant le considérer comme symbolique. Il quitte la Terre pour l’au-delà, une sorte de passage du fleuve du Styx. Le spectateur voit ses attentes déçues, néanmoins, le film séduit en redéfinissant notre rapport aux sens.

Horrifique et métaphysique

Il conquiert par le biais de sa photographie. Le format utilisé est le 4/3, un format carré qui force le regard à se focaliser sur le centre de l’image. L’image est argentique, le style est typique du cinéma indie. La bande-originale est aérienne. Tout est fait pour souligner la volonté poétique du réalisateur. Car l’atout principal de ce film, c’est de réussir, avec peu de dialogues et encore moins d’action à toucher son spectateur, car il aborde des thèmes universels avec justesse. En partant d’une histoire d’amour, ce film nous parle finalement de nous, de l’univers entier, du temps qui passe, de ce qui demeure, et surtout de ce qui s’en va. Si Ghost Story n’est pas un film d’horreur, c’est un film qui hérite de la spiritualité des films de fantôme. Le rendu est efficace car s’il nous donne le vague à l’âme, il nous apprend, en reconnaissant la beauté du cycle de la vie, à le détester un peu moins.

 

Alice Mariapasche

Sources :
– avoir-alire.com, « Paranormal (in)activity », Julien Dugois, 20 décembre 2017
– youtube.com, « Syd Film Fest: A Ghost Story (2017) Movie Review | ROLL CREDITS », Roll Credits, 17 juin 2017
– youtube.com, « David Lowery interview: A Ghost Story », The Upcoming, 7 août 2017
– Image 1 : avoir-alire.com, « Paranormal (in)activity », Julien Dugois, 20 décembre 2017
– Image 2 : indiewire.com, « ‘A Ghost Story’: The Craft of a Low-Budget Indie Shouldn’t Be Forgotten During Awards Season », Chris O’Falt, 21 novembre 2017