Sorti en salles en 2015, Asphalte est un film réalisé par Samuel Benchetrit d’après plusieurs de ses propres nouvelles publiées dans Les chroniques de l’Asphalte en 2005. Ce film littéraire nous propose trois histoires naissant chacune d’une rencontre dans un lieu commun, un immeuble d’une cité de province. Entre le très banal et le merveilleux, ces rencontres vont faire basculer nos personnages hors de leur solitude sans pour autant bouleverser leur quotidien. La rencontre de personnages types qu’apriori tout oppose, l’égoïste et l’infirmière de nuit, la vieille femme algérienne et l’astronaute de la Nasa, l’adolescent sans mère et l’actrice déchue, nous entraine dans une comédie absurde et poétique aux allures de fable.
Si les intrigues sont à première vue loufoques et complexes, le film est loin d’être décousu et invraisemblable, à tel point que l’on pourrait penser que dans ce film, il ne se passe rien. Asphalte est à la fois un film très humain : les habitants d’une cité qui se réunissent pour parler de leur ascenseur en panne, l’infirmière de nuit qui prend sa pause clope vers deux heures du matin, un jeune garçon aidant sa voisine coincée dehors à rentrer chez elle. Mais aussi un film d’une grande poésie. Un astronaute qui tombe du ciel, un mystérieux bruit que nos personnages pensent être le cri d’un enfant, celui d’un tigre échappé d’un cirque ou d’un démon mais qui n’est en réalité que le souffle du vent sur la porte d’un conteneur vide d’une zone désaffectée. Un moyen pour Benchetrit de rappeler que son film n’aspire pas à être davantage que ce qu’il est. Il n’est pas question de surinterpréter des scènes ou des dialogues. Ce n’est pas un film qui fait réfléchir mais un film fondamentalement humain.
Sans être un film politique, Asphalte n’idéalise pas la vie en banlieue et ne romantise pas la précarité. Comme rarement sur nos écrans, la vie en cité n’est simplement pas le sujet d’un film qui se déroule en cité. Ce qui n’est pas dérangeant et évite au réalisateur de se prononcer sur des thématiques qui ne le concernent plus, évitant les confusions et les prises de position erronées. Le seul passage qui pourrait s’apparenter à de la dénonciation serait l’intervention de Majid, le fils d’Aziza Hamida qui décrit les réalités de la réinsertion et du manque de réelles prises en charge. Cependant sa mère n’y répond rien, parce que c’est ainsi. Ce silence aux multiples significations et aux infinies interprétations est à la fois sublimé par les plans fixes de la caméra et par la bande son contemplative de Raphaël.