Philip Glass et Koyaanisqatsi, ou la relation symbiotique entre images et musique

 

Aujourd’hui nous parlons d’un film sans histoire si ce n’est celle de la civilisation occidentale, un film sans dialogue si ce n’est celui de l’homme avec la technologie. Aucune narration, aucun rebondissement, aucun personnage, juste une succession de plans, en accéléré ou au ralenti, parfois en vitesse réelle. Le tout sur une musique de Philip Glass, considéré comme l’un des compositeurs les plus influents de la fin du XXème siècle.

 

 

 

Koyaanisqatsi (1982), un film expérimental

 

Le réalisateur déclarait que le film visait juste à créer une expérience et que le spectateur y voyait ce qu’il voulait. Ainsi les plus révolutionnaires d’entre nous y verrons une dénonciation de la société de consommation (aiguillés par le sous titre “Life out of balance“), et les plus contemplatifs se laisseront simplement gifler par la force des plans. En fait, le film est si beau que tout message est noyé par la fascination qu’exercent les images… on ne sait pas vraiment ce qu’est Koyaanisqatsi, un documentaire sur l’Homme moderne, peut-être.

Voir et entendre Koyaanisqatsi n’est pas une expérience cinématographique habituelle. Parfois ça rate, le film reste désespérément hermétique, nous qui sommes si habitués aux films orientés vers une fin et tendus par un scénario. Il faut se sentir disposé à regarder, mettre en arrière-plan nos pensées, nos attentes, suspendre notre intellect et accueillir le plus stupidement possible ce que nos sens perçoivent.

 

Philip Glass, la répétitivité enivrante

La parole ne peut plus décrire le monde dans lequel nous vivons (Godfrey Reggio, le réalisateur)

Quoi de mieux alors que le langage cinématographique, qui mêle images et musique ? Aussi complémentaires que le recto et le verso, sons et images s’unissent en un tout indissociable dans Koyaanisqatsi.

Côté musique, donc, Philip Glass, qui se décrit lui-même comme “un compositeur de musique à structures répétitives”. Rattaché à la musique minimaliste (courant de musique contemporaine qui apparaît dans les années 1960 aux États-Unis), Philip Glass signe une B.O novatrice, tantôt douce, tantôt tumultueuse, tour à tour planante et délirante, et presque toujours circulaire. Images et musique se joignent dans une harmonie rarement atteinte au cinéma : l’agitation frénétique de la société humaine – métro, autoroutes, usines – se reflète dans les phases les plus démentielles de la B.O, tandis qu’à la monumentalité des gratte-ciel répond une mélodie lente et pénétrante… la plénitude de l’immobile succède au maelström de la rapidité.

Alors que beaucoup de films utilisent la musique en appui, comme vague support émotionnel de la narration, l’œuvre de Reggio et Glass ne devient une expérience qu’à la jonction du son et de la vision.

 

 

Un film très particulier à voir (et pas en qualité dégueulasse s’il vous plaît), puis à écouter en vous perdant dans le métro et dans la ville. Car avec cette musique sur les oreilles il est possible de réaliser son propre Koyaanisqatsi dans les lieux les plus bondés et au cœur des architectures les plus élancées.

 

 

Louis de Lavarène