Charlie’s Country c’est l’histoire d’un aborigène tiraillé entre deux cultures. Charlie est un ancien guerrier, condamné à survivre dans une réserve que le gouvernement Australien contrôle étroitement. Le réalisateur, Rolf de Heer, capte à travers les désillusions de Charlie, la tragédie de tout un peuple saccagé par l’alcool, la drogue et dénudé de ses terres.
Sous l’apparente douceur du titre Charlie’s Country, se dissimule la mélancolie profonde d’une perte irréparable. Et pourtant le film échappe adroitement au style documentaro-sentimentaliste lorsqu’à mi-chemin, dans un sursaut de résistance à cette acculturation douloureuse, Charlie s’enfuit dans le Bush pour vivre à la manière des anciens. Le temps de cette escapade dérisoire et muette, Rolf de Heer rompt le rythme qui s’établissait. Le film abandonne tout pour se concentrer exclusivement sur Charlie, incarné par le magnifique David Gulpilil, légende du cinéma australien et premier acteur aborigène. La caméra épie chacun de ses gestes, s’attarde sur chaque rides de ce corps maigre et usé qui dégage pourtant une sensation de vitalité débordante.
Charlie’s Country est une quête à la dignité qui se manifeste à travers la volonté acharnée (mais impossible) du protagoniste de se réapproprier sa terre. Charlie contient silencieusement l’effondrement et le désastre auquel il survit. Sa profonde tristesse n’infiltre que pudiquement l’écran, lorsque la caméra s’arrête sur son regard noir et perçant, assistant impuissant à la mort d’un vieux guerrier aborigène.
Paradoxalement, son corps se déploie joyeusement avec grâce et souplesse. A défaut de trouver sa place, Charlie danse pour exister.
Timothée Gutmann