Doctor Who, la série la plus globale qui soit
C’est à la fois un voyage à travers le temps, l’espace, l’univers, les âges, les espèces, la biologie, la physique, la morale … C’est toute une « british philosophy » sur l’Homme, la Terre, l’Autre … C’est toute une allégorie de la transcendance, de la métaphysique, de l’apprentissage de la vie … C’est une initiation pour tous les publics, petits et grands enfants, amoureux de Sci-Fi ou de Romance, toujours aux couleurs de l’humour anglais, encore inégalé !
Le synopsis le plus puissant
L’histoire est construite sur un schéma simple, « ou pas » me direz-vous ! Il est accessible à tous, il s’ancre dans la durée, la réapparition des personnages, des métaphores filées, des souvenirs oubliés… Il est à la portée de tous, mais n’est jamais épuisable. C’est là que réside la pérennité de la série : la série est en elle-même une série ! How fabulous ! Vous avez, là, affaire au Phénix du genre ! Le modèle de tous les modèles, une création mythique et fabuleuse qui toujours, dans l’histoire, renaquit de ses propres cendres, une série à la longévité aussi incommensurable que l’univers qu’elle se propose d’explorer, aussi fascinante que les méandres toujours insoupçonnés du Tardis, aussi obscure et profonde que son personnage éponyme …
Cette série peut en effet se targuer d’être la plus vieille encore diffusée, présente depuis 1963 (quoique disparue entre 1989 et 2005), avec ses presque 820 épisodes et ses 35 saisons, nulle autre ne peut imaginer l’égaler, si ce n’est l’espérer ! La série raconte l’Histoire, mais l’accompagne, donc, également, elle perd même au passage quelques uns de ses épisodes (dont les bandes ont été effacées et réenregistrées par la BBC…). Bref, je ne peux, raisonnablement et bien malheureusement, pas vous parler de manière exhaustive de la série. But at least I can try !
Who is Doctor Who ?
Doctor Who c’est (inspirons) : Un héros, mais aussi ses compagnons, des ennemis mythiques également, sans oublier des lieux, ainsi que des voyages, of course une quête too !
Eh oui Doctor Who ce n’est pas juste Le Doctor, ce Seigneur du Temps, extraterrestre bien qu’humanoïde, dernier survivant, dans tout l’univers, de son espèce. Le petit Liré de cet Ulysse de l’espace c’est Gallifrey, sa planète d’origine qu’il a participé à faire disparaître de la carte de l’Univers, afin de sauver tous les autres mondes, lors de cette guerre spatio-nucléaire qui opposa les Seigneurs du Temps aux Daleks. Décision irrémédiable qu’il regrette encore mais qui fut nécessaire puisqu’elle forge, de la manière la plus radicale qui soit, l’ontologie de ce personnage torturé.
Également à savoir, il était en fait un dissident de sa société, un marginal, exclu parce qu’effrayant pour l’ordre politique. Cette civilisation, l’une des plus avancées qui furent, se trouvait alors à son âge d’or, une Atlantide dans l’inspiration, malheureusement décadente par son arrogance comme le déplore souvent le Doctor.
Ce choix difficile qu’a dû faire le Doctor le hante, des centaines (ou des milliers ? Le compte n’est ni clair ni d’importance) d’années ont passé mais la culpabilité continue de le ronger. Cet être est condamné à être seul, l’Autre unique ne renvoyant à aucun Même, renvoyé à nul autre Semblable, mais toujours concerné par la menace des derniers spécimen d’espèces en extinction. Cette solitude, la mission qu’il se donne à lui-même de sauver toutes les espèces de l’univers comme repentir, sont les principaux ressorts du personnage qui le rendent paradoxalement si humain et attachant. L’on voit sa fragilité, mais on l’aperçoit seulement, trop lucide pour se laisser découvrir, trop pudique pour se laisser saisir, on veut d’autant plus s’identifier au personnage que les autres figures masculines de la série sont souvent naïves et penaudes. Seules les femmes réussissent à percer le cœur du Doctor, où même à attirer sa curiosité, son intérêt. Cette série brille donc par son sexisme positif, et ce, depuis ses débuts, dans les années 1960. En effet, le Doctor représente l’Homme : l’humain et l’idéal masculin à la fois, toujours à la British way of life ! Un poil de maladresse à la Mr Bean, pour une crinière d’autodérision et d’humour.
La ruse de la série et de ses créateurs c’est que le personnage est immortel. Il se régénère mais ne meurt pas. Ainsi, chaque régénération donne à voir un nouveau personnage, tant sur le plan de la personnalité, que sur celui de l’identité et du physique. Ceci explique pourquoi la série a pu, en toute cohérence, se poursuivre sur une telle longueur. Chaque acteur prête au Doctor une originalité nouvelle, souvent construite sur un élément particulier de son habillement (nœuds-papillon et Fez pour l’un; écharpe pour l’autre…) et sur de petites « catch phrases » comme : « Fantastic ! » ou « Brillant ! », le fameux « Allons-y Alonso ! » (NDRL : En français dans le texte) ou le cri de guerre « Geronimo ! » et l’inexplicable « Wibley wobley, Timey Wimey ! » (NDRL : équivalent du « Schmilblick »).
Le Doctor, bien que très puissant (il a quand même éradiqué une civilisation entière, ou presque) n’est pas démuni dans ces multiples pérégrinations. Il est équipé de son Tardis (Time and relative dimension in sp
ace), devenu objet culte en Angleterre. Cette boîte bleue ou (Police box [photo]), plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur (non J-K Rowling n’a rien inventé, elle est juste baignée dans cette culture cultivante qu’est Dr Who pour les jeunes British) fait office de vaisseau spatial. Et oui, rien n’arrête l’imagination incongrue des Anglais, leur fascination pour le décalé, le strange … Et à chaque nouvel rencontre avec un compagnon, on attend le célèbre … « But it’s » … « God say it ! Most people do ! ».
Ou le « It’s smaller on the outside » « Ok that’s a new ». Genius ! Même là ils savent innover !
C’est là un outil d’exception, et unique, tout simplement parce que cette machine est vivante D’ailleurs l’opposition homme/machine est une veine assumée et exploitée tout au long des épisodes, cruciale en ce qui concerne les Daleks, essentielle en ce qui concerne les Cybermen. Loin d’être – juste – une cabine bleue, et facultativement un vaisseau, c’est un refuge incroyable, le seul vestige que possède le Doctor de la technologie de sa civilisation disparue… Mais c’est aussi un logiciel ! Oui oui, il traduit automatiquement toute les langues directement dans les esprits de ses voyageurs (heureusement que ç’a été précisé, sans quoi c’eût été trop facile!).
Des compagnons de route, c’est essentiel pour faire bon voyage !
Loin d’être ce personnage esseulé dans son antre bleue, l’extrême humanité du Doctor ressort de son incapacité à demeurer toujours seul. Il chasse sa solitude en s’équipant de compagnons, eux aussi devenus emblématiques de la culture britannique. Ils sont d’ailleurs toujours représentatifs d’un type social et historique anglais. Ensemble, ils forment un tandem, un trio tout au plus, et leur intervention tisse un fil pérenne pour la cohérence de la série, puisqu’ils sont bien souvent amenés à se revoir, dans d’autres lieux, à d’autres époques, voire même sous d’autres formes… Sans s’étendre sur la longue liste des compagnons du Dr, une anecdote mérite d’être ici rapportée, qui illustre parfaitement l’esprit de la série. C’est celle du paradoxe de River Song. Les réalisateurs développent, à travers ce personnage, toute une réflexion autour du temps et de la matière et tout un jeu sur l’invraisemblable histoire du Dr, tout en étant, (et c’est là l’exploit !) scientifiquement parlant, cohérent. La première fois que le Doctor rencontre River Song, elle le connaît déjà, et se sacrifie pour lui. Tout comme le Dr, elle voyage dans le temps et l’espace et leurs lignes temporelles vont en quelque sorte dans des sens contraires. La première fois qu’elle rencontre le Doctor, lui va mourir. Lui sait comment elle va mourir avant qu’elle ne le rencontre et vice versa … Quel casse tête anglais !
Bref je ne vais pas m’étendre sur les compagnons, parce qu’ils sont du goût de chacun, certains nous agacent clairement, on en aime un plus qu’un autre ou pas, des sondages d’intérêt national, voire royal (si si!) sont publiés à chaque changement de Prime Minister pour savoir quel est le compagnon du Dr le plus populaire. Bien sûr, ils élisent leurs gouvernants en fonction de leur réponse et bien sûr le Dr préféré de notre cher Elisabeth est bien celui incarné par David Tennant, d’où son grand différend avec Kate qui préfère Matt Smith … bref on a dit qu’on n’allait pas épiloguer.
Le bestiaires des monstres et des aliens, à faire frémir les plus gros dictionnaires des créatures !
Là encore, ne nous égarons pas, ils sont bien trop nombreux pour être listés ici et bien trop récurrents pour avoir à les détailler. Toutefois, pour faire le lien avec la culture cinématographique globale, nous nous devons tout de même d’évoquer les plus célèbres : les Daleks (un peu datés aujourd’hui selon moi) et leur refrain tellement lancinant qu’il est lui aussi entré dans la culture populaire : « Exterminez ! »… Ce sont, eux, les perpétuels ennemis du Dr, depuis les origines. Regardez-les bien, ne vous rappellent-ils rien ? Eh oui ! Remasterisés et devenus gentils, ils donnent … R2D2 ! (Je ne veux pas déclencher une guerre intergalactique, donc je précise que rien ne les relie, officiellement).
La même comparaison peut, néanmoins, s’établir entre C3PO et les Cyb
ermen … issus d’une théorie de la cybernétique développée par Wiener … très probablement. Ces humanoïdes, à l’origine humains, ont cherché par le biais de la cybernétique à perfectionner leur capacité en s’implantant des parties artificielles jusqu’à devenir complètement des robots ultra rationnels exécrant tout ce qui est humain et passionné… Leur but étant de convertir tout le monde, ils peuvent être une métaphore d’une panoplie de choses (que je vous laisse qualifier) et émerveiller vos instincts complotistes les plus refoulés.
Ma petite préférence va, toutefois, pour les Anges Pleureurs, qui sont parmi les créatures les plus angoissantes de la série et qui, lorsqu’elles apparaissent, signent des épisodes beaucoup plus sombres, tirant des ressorts de l’épouvante. Ces statues de pierre qui cachent habituellement leurs yeux, peuvent, lorsqu’elles les découvrent et que vous avez le malheur de croiser leur regard, vous pétrifier. Elles peuvent se retrouver devant vous en un clin d’œil, mais aussi, du fait de ce mode opératoire, massivement se répliquer … Bref, ambiance étouffante assurée !
Pourtant, j’hésite avec une création récente surgissant de l’imaginaire immense 
des réalisateurs, notamment Steven Moffat et Mark Gatiss, et peut-être plus angoissante encore que ce qui précède : Le Silence. Bien sûr, les ressorts darwiniens sont constamment présents, chaque créature possède sa propre façon de survivre (rappelons que le Dr est le dernier survivant de son espèce et chaque épisode s’attache à voir l’exemple d’un représentant d’une espèce en train de se battre pour sa survie, souvent au détriment d’une autre espèce, la sensibilité du Dr face à ces compagnons de mauvaise fortune le pousse à toujours aller là où on a besoin de lui). Le Silence est le peuple le plus insidieux qui soit, le seul à véritablement réussir, dès l’apparition de l’humanité, à envahir et soumettre la population terrestre. Ses atouts : son invisibilité, son inexistence sonore. Dès qu’on se détourne de ces créatures, on les oublie ! Il y aurait, ici, de quoi développer tout un sujet…
N’omettons pas de préciser que cette série, diffusée en France le dimanche après-midi et les samedis matins et soirs, et globalement sur les créneaux des plus grandes audiences au Royaume-Unis, c’est-à-dire les vendredi et samedi soirs, est une série tout public ! Il y a aussi de nombreuses rencontres magnifiques par leurs diversités, leurs richesses … Comme Face de Boe, qui est l’archétype même de la bienveillance… On apprend qu’il est une évolution du Capitaine Jack Harkness, par ailleurs héros du spin-off Torchwood.
Loin de voyager uniquement dans l’espace, la série est un prétexte pour retrouver les plus grandes figures historiques, celles qu’on rêverait de pouvoir rencontrer aujourd’hui, celles auxquelles on aurait des millions de questions à poser, ses figures emblématiques de la culture terrestre (occidentale) : la Reine Victoria, Charles Darwin, Charles Dickens, Madame de Pompadour, Louis XV, William Shakespeare, Elizabeth the First, Agatha Christie, Churchill, Van Gogh, et j’en passe…
Bref, un voyage dans ce qu’est l’Homme
Toutefois, il est vrai que par certains aspects, cette série apparaît quelque peu occidentalocentrée si ce n’est anglocentrée. Elle imprègne la culture britannique autant qu’elle en est imprégnée. Si son succès international a maintes fois été prouvé, il demeure que la British Touch peut rebuter les moins British d’entre nous. Beaucoup de jeux de mots propres à l’anglais, de blagues culturelles (bien que souvent nous naviguons au millième degré de l’humour et dans un univers d’autodérision), peuvent bloquer la compréhension immédiate. Pour la défense de la série, les jeux sur les effets spéciaux, d’apparence cheap, en réalité très élaborés et adaptés aux évolutions technologiques, valent sérieusement le détour ; le travail immense nécessaire à la cohérence globale et pérenne de l’univers de la série est louable, mais surtout, les éléments culturels, philosophiques, plus largement les connaissances puisées dans tout le patrimoine savant de l’humanité sont incommensurables, ce qui explique toutes les références et interprétations possibles et développées par de nombreux spécialistes et profanes (ou pro-fans), le champ de l’inter- et de l’hypertextualité est inépuisable.
Cette série est inlassable car toujours renouvelée : ses créateurs ont trouvé la formule secrète qui fait qu’une série pourra toujours marcher et ne jamais prendre fin. Elle est impertinente et brûle toujours d’actualité en montrant en substance des thématiques liées à l’environnement, par exemple. Elle rassemble toute la maisonnette devant le petit écran, raconte l’Histoire de la société britannique et à travers elle, l’histoire de l’Homme.
Doctor Who pose à tout le monde la question ontologique essentielle et irréductible du Who ? (qui ?) et se propose d’y répondre par un voyage non pas dans l’univers intergalactique mais dans l’univers intime de chacun, en visitant notre terreur du futur par la dystopie, mais aussi la mélancolie, l’amertume, la culpabilité, la morale, le vivant, la mort (des hommes, des planètes, des civilisations) mais opte pour la survie et l’espoir par la grandeur de l’Art, de l’Esprit, de l’Humanité !
Ne vous attendez pas à découvrir le secret qui annoncerait la mort de la série, cette seule question dont personne ne devra jamais connaître la réponse … Doctor Who ?
Janna Boubendir
