Grand Budapest Hotel, Wes Anderson par la CELSATHÈQUE

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Curieux phénomène, difficile à décrire, complexe à interpréter.
Grand Budapest Hotel, coloré et décoré, donne lieu à un joli objet.

En fait, Grand Budapest Hotel est un conte. Et ce, tout à son honneur.
Une petite bouffée d’air frais dans un cinéma souvent très codé, réaliste, qui ne parvient que difficilement à sortir de l’ordinaire – même lorsqu’il est fantastique.
De fait, un peu de renouveau dans ces regards convenus nous fait le plus grand bien – Wess Anderson reste maître en la matière.
Le film s’avère en effet véritablement beau à regarder. Les couleurs sont vives, accordées et réfléchies. Toute l’esthétique est pensée géométriquement, dans une précision symétrique épatante. Oui, observez bien les lignes du cadrage, la disposition des personnages, la position des objets… Les images conduisent à un centre précis et parviennent ainsi à structurer le regard du spectateur. Une logique de la forme dans l’illogisme du fond, en quelque sorte.
Grand Budapest est un conte car dans un imaginaire presque enfantin et féerique, il raconte une histoire incongrue et désarçonnante, parsemée de péripéties toutes plus hallucinantes les unes que les autres.
Grand Budapest est un conte du fait même de ses personnages. Très maniérés, très stylisés, très anormaux et loufoques – personnages servis d’ailleurs par un casting hallucinant et peut-être même trop exagéré. Ils sont à eux seuls le coeur de l’histoire. On aurait presque pu se passer de péripéties tant chacun raconte quelque chose du simple fait de sa gestuelle et de son intonation.
Grand Budapest est un conte par son humour décalé, par sa répartie sans faille, par cette drôlerie inattendue.

Mais…
Mais Grand Budapest s’élève-t-il, tout à fait, à la hauteur des contes ? Presque inaccessibles tant ils sont implicites et symboliques.
En effet, le conte est exceptionnel en cela qu’il donne à la complexité une apparence de simplicité. Un conte dénonce de multiples choses à travers une succession de détails très commun. Un conte participe à interroger “l’infra-ordinaire” dont nous parle si bien Perec, ce quotidien que nous considérons comme acquis et non discutable. Le conte dénonce la norme et la société, il dénonce tant de chose et en si peu de mots pourtant.
Est-ce réellement le cas de Grand Budapest Hotel ?
Le film semble prendre l’apparence d’un conte sans en être réellement un. Il emprunte l’atour le plus facile d’accès finalement. Car que dit implicitement le film, dans l’ombre et la nuance ? Que dit-il de nous ? Que dit-il des autres ?
Il n’est pas certain que la chose soit si saisissable que cela. Voire existante.

Grand Budapest Hotel se déroule comme un divertissement parfaitement ficelé et fort sympathique. Une esthétique sans faille, et un objet pensé au millimètre près.
Mais qu’en est-il du vertige du cinéma, de cette non-maîtrise permettant l’apparition du sens et le cheminement de l’émotion ? Ce relâchement qui parvient à créer une inquiétude et donc un message ?

Grand Budapest ravit, certes.
Mais que dit-il ?

Chloé Letourneur du CELSA

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