Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il est à l’origine de nombreux grands moments de frisson dans vos films préférés, à tous âges. Vous avez pleuré à 6 ans devant la mort de Mufasa, et plus tard, vous avez été ému par la fin de Gladiator ? Remerciez Hans Zimmer.
Compositeur d’origine allemande, né en 1957, Hans Zimmer a signé et dirigé les bandes son de très nombreux films populaires de notre époque, mais sa carrière musicale commence réellement quand il rejoint le groupe The Buggles, dont la chanson « Video killed radio star » fut le premier clip musical diffusé sur MTV en 1982.
Par la suite, il découvre le métier de compositeur de musiques de films, et c’est en 1989 que son talent est reconnu grâce au film Rain Man de Barry Levinson, pour lequel il est nominé aux Oscars. Il est alors engagé pour plusieurs films à succès, dont Thelma et Louise (1990), avant sa consécration en 1995 avec Le Roi Lion, qui lui vaut un Oscar de la meilleure musique.
Le Mozart des blockbusters
Son nom est longtemps resté associé à ceux de grands blockbusters, pour lesquels il crée une musique musclée, sans beaucoup de finesse, mais très efficace pour le genre. Les compositions de Zimmer pour ces grands films populaires deviennent rapidement des classiques : le thème principal de Pirates des Caraïbes, c’est lui. On identifie facilement son style, avec de grandes envolées et une facilité à transmettre au public les sentiments épiques dont le blockbuster a besoin pour émouvoir.
Hans Zimmer n’a peut-être pas l’ampleur d’un Ennio Morricone ou d’un John Williams, mais il a pour lui une grande force, une alliance étonnante entre instruments très modernes et une mélodie somme toute assez classique. De plus, il vient d’un milieu plus « rock », ayant débuté dans la musique avec le groupe Buggles, qui l’encourage à expérimenter plus. A travers ses différentes œuvres, Zimmer est passé maître dans l’art de marier le grandiloquent, la tension et la délicatesse. Les producteurs n’ont pas fini de faire appel à lui pour les blockbusters, et aujourd’hui, en regardant les gros succès populaires (Sherlock Holmes : Jeu d’ombres, Man of Steel, Amazing Spiderman), on retrouve son nom accolé à un ou deux titres de ces films.
Étonnement, on retrouve aussi son nom derrière la composition des bandes sons de films tels que Twelve years a slave, Le Petit Prince, ou encore les Figures de l’ombre, des films d’un autre calibre, où sa marque musicale se fait beaucoup plus discrète.
Quelques compositions détonnent dans ce décor, en particulier celle de Gladiator, dont beaucoup ont pu dire que c’était sa meilleure création. Très poignante, cette bande son sublime le film, et a été pour beaucoup une prise de conscience de l’importance de la musique dans un film. Elle était probablement sa plus grande réussite jusqu’à sa très prolifique collaboration avec un autre grand nom du cinéma, Christopher Nolan, et en particulier la composition de la bande son d’Interstellar.
Honor Him, Gladiator
« I’m in his band » : Zimmer membre du groupe Nolan
En 2005, deux esprits se rencontrent pour la bande son de Batman Begins, et tout de suite, leurs deux personnalités cliquent. Il est rare pour un réalisateur de trouver un compositeur dont la musique transcende le simple accompagnement pour devenir quelque chose de plus fort, de plus grand. Entre les deux, c’est une synchronie artistique qui s’opère, où la vision et le son d’un auteur se mêlent et deviennent inséparables. Les deux hommes partagent une même vision du cinéma, chacun dans leur domaine : Zimmer ne compose pas des musiques pour des personnages mais pour leurs idées, leurs valeurs, tandis que Nolan ne se concentre jamais que sur un personnage central, mais aime élargir à d’autres personnages, sans qui ses héros ne pourraient exister. A travers leurs collaborations, la musique de Zimmer devient le lieu où s’expriment les véritables intentions de Nolan. Pour eux, un film doit être ressenti, et leur compatibilité artistique leur permet de créer une œuvre finale magistrale, dont les bandes sons sont souvent discutées, fait rare. A ce jour, une composition en particulier a fait couler beaucoup d’encre, celle d’Interstellar.
L’extraordinaire odyssée spatiale et musicale
La composition musicale d’Interstellar est une expérience inédite à Hollywood.
Quand Nolan demande à Zimmer d’en composer la musique, il n’y a pas de film. Lors de la promotion, il dit explique le processus ainsi : « Je lui ai donné une enveloppe contenant une feuille sur laquelle j’avais noté, de façon très abstraite, le thème de mon prochain film, sans aucun autre détail sur le genre ou sur le scénario. Puis, je lui ai demandé d’écrire un morceau qui serait son interprétation musicale de ma note, et de me faire écouter le résultat en fin de journée. »
Inverser le processus en faisant composer la musique avant le film avait pour but, selon Nolan, « de donner une pleine et totale liberté aux instincts émotionnels et musicaux de Hans, afin que la narration du film et la musique se développent ensemble dès le tout début ».
Le morceau composé pendant ces 24 heures, Day One, se trouve dans le film.
Day One, Interstellar
Composer la musique d’un film de science-fiction n’est pas chose aisée, il fallait rejeter les ressorts musicaux classiques que l’on retrouve dans les blockbusters, comme l’accélération du rythme, du tempo, les tambours… Intervient alors l’orgue, la plus grande surprise du film, très inattendu. Zimmer et Nolan voulaient faire ressentir au spectateur à la fois l’immensité de l’espace, mais de fait aussi l’angoisse du vide spatial. L’orgue donne à leur conquête spatiale des reflets bibliques, et confère à la musique une formidable grandeur. Associées à un orchestre symphonique, les grands orgues sont mélancoliques, contemplatives, dramatiques et sombres, mais ici et là, elles apportent des touches d’espoir. La musique oscille alors entre urgence et tension et une certaine forme de recueillement, de sérénité.
Bien qu’elle n’ait pas convaincu tout le monde, certains l’ayant trouvée oppressante, la musique d’Interstellar constitue en elle-même une œuvre musicale, que l’on peut écouter sans avoir les images, et cela reste un beau compliment pour une bande originale.
Philomène DESVOUGES