Éloge de HER, par Loubna B

 

joaquin

Synopsis : Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de « Samantha », une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…

Comédie dramatique de science fiction américaine, nommée 5 fois aux Oscar, dont meilleur film de l’année et meilleur scénario, Her commence l’année 2014 en grande pompe !
Le personnage de Theodore, romantique malheureux, joué par le brillant Joaquin Phoenix, est en phase de divorce difficile et douloureux. Il vit seul dans un Los Angeles futuriste, glacé, où tout le monde a l’air de se parler tout seul dans la rue, pendu à une oreillette. Sa seule échappatoire à la réalité est donc le virtuel. Le virtuel par son métier-même qui consiste à écrire des lettres destinées à d’autres, comme un écrivain public, et donc à emprunter des sentiments qui ne sont pas les siens pour permettre à ses clients de faire illusion. Mais surtout, le virtuel est sa relation-même, à travers son histoire d’amour avec Samantha, système d’exploitation évolutif qui emprunte la voix sensuelle de Scarlett Johansson . D’abord amis et confidents, leur histoire se transforme et Spike Jonze finit par nous embarquer beaucoup plus loin.
Her nous parle donc d’amour, d’un amour pur, immaculé. Spike Jonze nous fait voir en Samantha cette âme sœur qui comprendrait mieux que quiconque les émotions de son partenaire. Intelligente, elle est aussi drôle et sait se rendre indispensable. Son inexistence physique rend d’autant plus nécessaire et essentiel son existence en soi. Paradoxalement, rien ne semble plus vrai et fort que la relation de Theodore a avec son programme informatique. Her, devient donc un pur fantasme, la matérialisation d’une perfection relationnelle, de l’idéal féminin de Theodore et de son désir profond d’un amour sans complication.
On est dans un futur proche, mais Jonze questionne finalement des problématiques très actuelles. Anti-manichéen, il ne juge pas l’amour que Theodore a pour son système d’exploitation. Au contraire, il nous le présente comme beau, vivant, magnifié et beaucoup plus vrai que celui qu’Amy avait pour Paul par exemple. Her est l’image même d’une résignation où on reste chez soi pour jouer aux jeux vidéo sur grand écran et où on peut faire l’amour sans pénétrer quiconque. Mais ce refus de vivre  dans la réalité est un choix entièrement conscient de Theodore, qui trouve davantage son bonheur de cette manière-là. Jonze nous montre qu’il n’y a pas de forme d’amour permise ou non. Il sort de la norme et va jusqu’à l’abstraction pour affirmer que l’amour ne se juge pas, contrairement à ce que fait Catherine (Rooney Mara) en grande moralisatrice. On se laisse donc doucement glisser dans cette histoire et bercer par la voix de Samantha qu’on croirait être tout près de nous. Malgré l’architecture verticale et froide de ce Los Angeles futuriste, l’atmosphère est douce. La tristesse et la mélancolie du personnage est partout adoucie par ce rose layette qui entoure le film.
Dans cette relation, l’équilibre entre l’homme et la machine est surprenant. Mais, en y réfléchissant est-ce possible que cette relation conserve sa pureté si le système d’exploitation évolue ? Samantha n’arrête pas de répéter pendant tout le film qu’elle ressent que quelque chose change en elle, qu’elle évolue à chaque seconde. L’amour entre ce romantique tourmenté qu’est Theodore et son système d’exploitation qui est amoureux de 641 personnes se fissure. Cette perfection n’était qu’illusoire. Même si Spike Jonze situe son histoire dans un futur proche, on peut facilement se reconnaître dans cette relation qui, même si au départ, n’a rien de normal, connaît finalement ses hauts, ses bas, son désir de grandir ensemble, de se projeter… Par le réalisme visuel de son film, et la véracité des rapports humains qu’il dépeint, Spike Jonze touche à l’universel et nous affecte au plus profond de nous-mêmes pour nous faire ressentir entièrement le bonheur, les joies et les malheurs de Theodore.
Ce qu’on finit par comprendre de Theodore, c’est qu’il est aussi profondément centré sur lui-même et se condamne tout seul en échangeant sa solitude physique contre une voix agréable, qui s’adapte à la demande. S’il s’est tourné vers Samantha, c’est parce qu’elle lui permet, elle contrairement à Catherine ou Amelia (Olvia Wilde), une relation infiniment sensible et sans questionnements, ni doutes, ce qu’aucun être humain ne pourrait offrir. Ainsi, le conflit de la technologie contre la réalité, qui pourrait être perçu comme l’axe principal du film, glisse vers celui des attentes contre la réalité. La relation de Theodore avec Samantha prend fin parce qu’elle évolue trop vite et qu’elle n’est plus capable de satisfaire ses exigences. En effet, ce n’est pas l’absence de corps de Samantha qui fait que Theodore questionne sa relation avec elle, mais sa jalousie et le fait qu’il découvre que ce système informatique n’est pas seulement le sien, mais est partagé par des milliers d’autres utilisateurs et est amoureux de « 641 » d’entre eux.
En nous quittant sur de belles mélodies (Arcade Fire, Owen Pallett and Karen O. des Yeah Yeah Yeahs) qui amplifient ce tourbillon d’émotions, Spike Jonze nous laisse réfléchir à ces questions qui font penser à ce nouveau et futur nous.

Loubna Berrada
BDA HEC

 

1 Comment

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.