Sortie en salle en 1970, Les Choses de la vie, réalisé par Claude Sautet, nous plonge dans les souvenirs de Pierre, un homme d’une quarantaine d’année interprété par Michel Piccoli. Perdu dans les profondeurs de sa conscience à la suite d’un accident de la route dont il est victime,, il se souvient alors de son passé, de son amante Hélène (Romy Schneider), qu’il songeait à quitter, mais aussi de sa femme Catherine (Léa Massari) et de son fils Bertrand (Gérard Lartigan).
Rythmés par la douce mélodie de Philippe Sarde, nous sommes alors immiscés dans l’intériorité de Pierre. À travers ses souvenirs qui passe à l’écran comme des souffles animés, nous découvrons un quotidien a priori ordinaire. Cependant, là est la force du film : l’accumulation de banalités forme en réalité un tout singulier.
Claude Sautet s’attache à filmer l’insignifiant ainsi que son influence insoupçonnée sur notre vie et nos ressentis : les regards tendres, les matins bercés par l’amour d’un couple, les démonstrations d’affection qui surprennent, les cafés pris avec un ami, les instants passés en famille…
Bien qu’il apprécie sa vie avec Hélène, Pierre ne peut s’empêcher de penser à son ancienne vie avec sa femme et son fils, avec qui il avait l’habitude de passer d’agréables moments sur l’île de Ré. Tiraillée entre divers chemins, la vie de Pierre est rythmée par l’indécision, ce qui ne manque pas de faire souffrir son entourage. Le fait même d’avoir le choix l’anesthésie presque, et c’est la fuite qu’il finit par choisir lorsque la compagnie de son amante Hélène devient étouffante.
« Tu m’aimes parce que je suis là, mais s’il faut traverser la rue pour me rejoindre tu es perdu. »
Claude Sautet retranscrit divers sentiments et état d’âme, de l’essoufflement de l’amour à l’énervement d’une réunion qui ne se passe pas comme on le souhaiterait en passant par l’indécision entre deux trajectoire de vie et la nostalgie des moments passés auprès des êtres aimés. Porté par une très belle photographie, un jeu d’acteur pointu, mais aussi un montage très travaillé, le film Les choses de la vie vise juste. En effet, les nombreux flashbacks placés de manière adéquate et les plans du crash de voiture, bien que réutilisés tout au long du film, ne suscitent pas de sentiment d’ennui, du fait des différents points de vue utilisés. Bien que nous assistions toujours à la même scène tragique, elle semble changeante et nous surprend toujours.
L’histoire aboutit avec une scène qui nous laisse un goût amer en raison de l’état de Pierre, mais qui nous fait échapper à tout sentiment de frustration, en nous donnant même un certain espoir concernant la bonté humaine. On y voit la femme de Pierre, Catherine, déchirer la lettre d’adieu qu’il avait écrite pour son amante. En plus de l’état malheureux du blessé, ces mots écrits et directement regrettés par Pierre, qui, après réflexion, ne voulait pas se séparer d’Hélène, auraient sûrement fini par achever cette dernière si elle les avait lus.
Finalement, c’est l’achèvement de la vie qui met en lumière ce qui a réellement compté durant celle-ci.
Par Marie Giovannini