Quand le cinéma s’invite à l’école
Le cinéma aime l’école et certains grands films nous viennent immédiatement à l’esprit : Les 400 coups de F. Truffaut ou Au revoir les enfants de L. Malle. Les Héritiers a plus à voir avec Entre les Murs de L. Cantet et Ecrire pour exister de R. LaGravenese. La classe de 2nde de Mme Gueguen est turbulente, dissipée. Les élèves ne sont pas intéressés par les cours et préfèrent parler et traumatiser leurs enseignants plutôt que de les écouter. Mais un événement vient tout changer, Mme Gueguen les inscrit au Concours national de la résistance et de la déportation. A partir de là, ils vont travailler ensemble, mettre en commun leurs recherches, apprendre à se connaître et surmonter les difficultés collectivement. Le film peine à se défaire de certains poncifs concernant les jeunes de banlieue et effleure des questions d’ordre social qu’il conviendrait de creuser et de mieux problématiser : la laïcité à l’école, les rapports enseignant-élève, le communautarisme et le vivre-ensemble.
Filmer une classe
La caméra, toujours fixe, se pose dans la salle de cours et capte des humeurs, des bruits, du chahut. Par moments, elle vient chercher un visage, un sourire fugace sur les lèvres du professeur, qu’elle isole. Les gros plans ne sont pas toujours bien sentis. On comprend que la réalisatrice veut nous émouvoir mais les ficelles sont trop grosses et les ressorts ne fonctionnent pas. A trop vouloir diaboliser les lycéens pour mieux montrer leur évolution à mesure que le film avance, Marie-Castille Mention Schaar tombe dans la démesure et les scènes de cours bordéliques perdent en crédibilité. En revanche, le point fort du film réside dans le témoignage poignant de Léon Zyguel, un ancien déporté qui a survécu et qui s’est donné pour mission d’instruire les jeunes et de transmettre ses enseignements : une magnifique leçon de vie et de respect.
Les héritiers, mais de quoi ?
Les Héritiers parce qu’ils héritent de l’Histoire, de la Shoah. Les Héritiers, parce qu’ils se nourrissent de ce passé lourd qu’ils méconnaissaient avant de se métamorphoser en passeurs de mémoire. Mais Héritiers aussi au sens où l’entend Bourdieu dans son essai sur la reproduction des élites et l’inégalité du système scolaire français. Les élèves que l’on suit nous émeuvent par leur sincérité, nous touchent parce qu’ils n’ont pas confiance, parce qu’ils n’ont pas conscience « qu’il y a une place pour eux de l’autre côté du périph’ » comme s’exclame leur professeur. Parfois poussif et pas toujours abouti formellement, les Héritiers est un film humaniste, plein de bonne volonté qui tente de nous faire comprendre l’autre, de nous le rendre plus sympathique.
Jules Pouriel