Trois ans. C’est le temps qu’il aura fallut à Canal+ et Fabrice Godert pour produire et réaliser la deuxième saison des Revenants. Il faut dire que la première, petit bijou télévisuel ayant permis de prouver, s’il en était besoin, que la France pouvait aussi offrir des séries de haute qualité, a remporté un succès critique unanime, raflé tous les prix et s’est exportée dans une centaine de pays. C’est donc naturellement qu’après un final laissant tant de questions sans réponses et un délai d’attente interminable, nécessitant un revisionnage des huit premiers épisodes afin de rafraîchir sa mémoire, l’expectation du public était à son plus haut niveau d’exigence.
Le premier épisode de ce nouveau chapitre, « L’Enfant », prend place six mois après la nuit où les revenants ont disparu, accompagnés de certains de leurs proches ayant refusé de les laisser et de plusieurs gendarmes. Une partie de la ville a été inondée, la plupart des habitants sont partis et tous semblent avoir tenté d’occulter les événements ayant bouleversé leurs vies quelques mois plus tôt. Si le début de l’épisode met en scène de nouveaux personnages et laisse le téléspectateur dans la frustration de l’ignorance, nous comprenons par la suite que les disparus sont en réalité de l’autre côté du rivage, dans un coin abandonné de la ville. Quant aux nouveaux revenants qui font leur apparition au fur et à mesure des deux épisodes, nous comprenons également très vite de qui il s’agit, leurs proches étant des personnages récurrents de la première saison. Si, durant celle-ci, nous étions dans la découverte, ici nous entrons directement dans le vif du sujet. Le spectateur sait, et seule une question persiste : pourquoi les revenants ressuscitent-ils ?
Dès le début du premier épisode, le rôle des enfants, déjà important lors de la première saison, est renforcé. Qu’il s’agisse de Chloé, la fille d’Adèle et Simon qui doit prendre soin de sa mère complètement bouleversée par sa grossesse, de Lena qui cherche désespérément sa sœur et sa mère, de Camille et ses nouveaux camarades perdus de vue depuis longtemps qui doivent faire face à cette situation ou encore de Victor (dont nous apprenons enfin le véritable prénom) qui semble avoir retrouvé l’usage de sa langue, tous semblent avoir plus d’épaules que leurs parents, qui subissent les événements plus qu’ils n’impactent dessus. La vérité est qu’il n’y a pas d’enfance dans Les Revenants, comme il n’y a pas de temporalité définie, tout est figé dans cet espace-temps à part.
Après tant d’attente et une première saison ayant mis la barre si haut, nous pouvions donc nous attendre à être déçu mais cette entrée en matière se révèle au final plutôt concluante. Pas d’attente interminable, de rappels incessant de la fin de la saison précédente, et envolée la peur de retrouver certains acteurs – notamment les plus jeunes –ostensiblement plus âgés. Les bases de la nouvelle intrigue sont vite posées. De plus, de nouveaux personnages arrivent massivement, et notamment un certain Richard Berg, ingénieur interprété par Laurent Lucas. Nous n’en savons que peu sur lui, à part qu’il « vient de la région » et qu’il va tenter de résoudre le mystère de l’inondation. Ce nouveau venu se démarque du reste du casting : plus lumineux, moins détaché, il arrive visiblement de l’extérieur. Mais probablement changera-t-il avec le temps, car s’il y a une caractéristique commune à tous les personnages, c’est qu’il ne nous est pas permis de s’y attacher. Une distance, un mur existe entre eux et le téléspectateur comme il en existe un les uns entre les autres.
Si nous retrouvons quelques visages familiers auxquels nous rattacher, l’arrivée de nouveaux revenants et le visage de la ville, complètement changé, encore plus froid qu’auparavant, nous transporte de suite dans une autre ambiance, plus lourde, plus noire, au suspens plus prenant. Ceux restés en ville ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, à l’image d’Adèle ou encore Jérôme, cloîtré chez lui à tenter en vain de rassembler les pièces d’un puzzle qui lui permettrait de retrouver sa fille et sa femme.
Enfin, un nouveau pan de l’intrigue vient s’ajouter aux autres en la personne de la mère de Victor, ou plutôt Louis de son vrai nom, qui revient à son tour d’entre les morts. Et visiblement, le malaise causé par son fils dans la première saison semble se légitimer. Le garçon est-il vraiment dangereux ? Sa relation avec Julie semble de plus en plus forte, et celle-ci serait, de l’aveu de l’enfant, sa véritable mère, celle dont l’amour « le ferait grandir ». Par cette réplique, les scénaristes s’ouvrent d’ailleurs une brèche leur permettant de justifier une éventuelle évolution physique de l’acteur, qui ne saurait tarder à entrer dans la puberté.
Nous apprenons enfin que le père du jeune homme n’est pas mort mais visiblement dans le coma depuis le cambriolage ayant eu lieu des décennies auparavant. Pourquoi l’avoir caché ? Pourquoi le cambrioleur, manifestement Pierre, a-t-il empêché son coéquipier de le tuer alors qu’il l’a laissé assassiner Victor et sa mère ? Une réponse apportée pose une autre question, et le mystère autour du garçon continu de s’épaissir.
Les liens unissant les nouveaux revenants aux personnages déjà connus permettent de relancer l’intrigue tout en créant une cohérence, une continuité et évitant ainsi l’écueil de l’intrigue trop alambiquée. Ce début de saison tant attendu se révèle donc prometteur, le casting demeure convainquant et l’esthétique, caractéristique de la série, impressionnante. En espérant que les questions en suspens trouvent vite leurs réponses.
Fiona Chalom