C’est un rôle taillé sur mesure pour Catherine Frot, une actrice qui reparaît après une éclipse médiatique de près de 3 ans. Son jeu d’une grande finesse rappelle d’ailleurs qu’elle a d’abord été une comédienne remarquée avant de s’illustrer devant les caméras. Dans le film de Xavier Giannoli sorti le 16 septembre, Catherine Frot illumine de ses drôleries le personnage de Marguerite, dame d’une sincérité émouvante à qui personne n’ose dire qu’elle chante au moins aussi faux qu’elle est riche. Elle s’attaque sauvagement à La Reine de La Nuit de Mozart, nous arrachant de grands éclats de rire. Mais ce qui marque, c’est la virtuosité et l’éloquence avec laquelle Catherine Frot roucoule : Marguerite donne des envies de meurtre mais son innocence désarme.
De fait, toute la maestria de Xavier Giannoli consiste à susciter chez nous des sentiments contradictoires : du rire à l’amertume, la fraîcheur de Marguerite se démarquant de l’hypocrisie ambiante fait naître chez nous une émotion inédite, inouïe. Catherine Frot l’a bien compris et l’exprime avec simplicité : « On peut être consterné par l’innocence, mais, en même temps, elle nous apporte une fraîcheur, une liberté, une poésie.”
Et pour cause, l’espérance de Marguerite l’entraîne malgré-elle dans un cercle de surréalistes qui fait scandale dans la société bourgeoise de ces années 1920. Une manière de donner à voir la lucidité inattendue de cette femme si pleine d’abnégation. Sa tendresse pour son mari, sa foi même, la font triompher des grincements de dents et des faux semblants. L’affreuse illusion dans laquelle Marguerite est maintenue réfléchit en fait la vanité du monde dans lequel elle n’a jamais choisi de vivre. Son rapport à l’art est juste et même, il lui permet de vivre en vérité.
Finalement, c’est bien Marguerite qui chante passionnément faux mais tous ses proches qui portent des faux-culs.