Il est possible que ce nom ne vous dise rien, pourtant il est impossible que les compositions de Michael Giacchino ne soient jamais arrivées jusqu’à vos oreilles. Et pour cause, le nouveau compositeur fétiche des superproductions hollywoodiennes n’a pas chômé ces dernières années, que ce soit en dirigeant la musique de la plupart des films récents des studios Pixar (Là-Haut pour lequel il avait reçu un Oscar et un Golden Globe, Vice-Versa, Coco) et de certains Disney (Ratatouille, Zootopie), des plus grosses productions d’action et de super-héros de ces quatre dernières années (La Planète des Singes : L’Affrontement & Suprématie, Doctor Strange, Spiderman : Homecoming), qu’en réinterprétant des thèmes célèbres dans les version récentes de sagas mythiques (Rogue One : A Star Wars Story, Jurassic World). Et pour ceux qui désertent les salles obscures, le compositeur originaire du New Jersey a aussi occupé vos oreilles pendant que vous vous inquiétiez avidement du sort des naufragés de la série télévisée Lost. Alors, on ne connaît toujours pas ?
Pour ma part, et probablement parce que j’ai dû voir une bonne vingtaine fois le film lorsque j’avais huit ou neuf ans, j’ai notamment été marquée par la scène d’ouverture des Indestructibles de Brad Bird (2004) et la manière dont la musique d’inspiration jazz rythmait la présentation du héros, Monsieur Indestructible, dans sa meilleure époque, en rappelant les films d’action et policier des années cinquante et soixante, notamment les James Bond ainsi que le célèbre thème de La Panthère Rose, deux de ses inspirations principales(1).
Cette vision fantasmée du héros dans ses années de gloire doublée d’une musique amenant une certaine nostalgie cinématographique s’inscrit en contraste avec le personnage que nous retrouvons juste après cette séquence : un père de famille bedonnant et bougon. Dans sa globalité, le thème des Indestructibles et très réussi et très marquant, doté d’une certaine originalité notamment par ses accents vintage. On ne peut qu’attendre d’écouter le résultat de son travail sur Les Indestructibles 2 en juin prochain, qui selon ses dires sera très inspiré par ce premier opus mais introduira de nouvelles sonorités(2).
Sur une toute autre note, j’ai commencé à véritablement m’intéresser au travail de Giacchino lorsque j’avais été collée à mon siège en écoutant ses compositions magnifiques pour Star Trek : Into Darkness, et notamment son thème principal à la fois extrêmement riche et terriblement efficace, dont je recommande vivement l’écoute, même sans voir le film.
Si vous n’êtes pas, comme je le suis, un·e invétéré·e “trekkie” (nom donné aux adeptes de l’univers Star Trek), vous n’avez probablement pas ce sentiment de sacré vis-à-vis de la musique de la série originale (1966-1969). Or, ce que Giacchino a fait dans son travail sur les trois films récents, c’est plus qu’une reprise de ces thèmes, c’est une forme de sublimation. Comment ? En ramenant à leur plus simple aspect mélodique les notes célèbres dans l’esprit de générations d’Américains, en utilisant l’orchestre symphonique pour amener au grandiose ainsi que des chœurs puissants donnant l’impression d’un hymne, en amenant de la saccade et de la rapidité étourdissante au milieu des violons étirés, à la manière d’un combat épique et dangereux sur un vaisseau filant tout droit dans l’espace. A la fin du thème, revient tel quel le générique de la série originale, qui laisse place aux dernières notes fortes, presque violentes, symbolisant la direction radicale prise par Giacchino, et notamment son côté sombre qui s’accorde parfaitement avec la direction photographique et scénaristique prise par J.J. Abrams.
Le coup de fouet Giacchino est là, secouer les standards musicaux hollywoodiens instaurés notamment par Hans Zimmer et John Williams tout en gardant leur essence pure, qu’elle soit épique, sentimentale, ou les deux. S’il est un successeur de ces derniers, il est un successeur revêche, qui n’hésite pas à marquer le spectateur par des choix artistiques inhabituels et originaux qui se détachent justement de cette manière trop standardisée de concevoir des musiques de blockbusters que l’on n’entend plus, ou d’une seule oreille.
Justine Pouvesle
Sources :1 : Interview menée par Dan Goldwasser en novembre 2004 pour soundtrack.net : https://www.soundtrack.net/content/article/?id=132
2 : Interview menée par Adam Chitwood pour Collider en décembre 2017 http://collider.com/michael-giacchino-interview-war-for-the-planet-of-the-apes-incredibles-2/#jurassic-world-fallen-kingdom