Décidément Abel Ferrara a un penchant prononcé pour les personnages controversés. Après le sulfureux biopic sur DSK, évoquant l’affaire du Sofitel, le réalisateur américain s’attaque à la vie du poète, romancier, essayiste et cinéaste italien : Pier Paolo Pasolini. De son dernier film « Salo », charge cinématographique provocante et bien souvent incomprise contre l’intelligencia romaine, à son assassinat mystérieux sur la plage d’Ostie à Rome en 1975, Pasolini demeure l’un des artistes les plus polémiques de sa génération.
En racontant la dernière journée de Pier Paolo, Ferrara s’intéresse surtout au quotidien du réalisateur, sa vie de famille, ses habitudes dans les restaurants romains, ses interviews, sa vie intime et son homosexualité. On le voit au côté de sa mère aimante, de ses amis et de ses amants. On y découvre d’abord un homme émouvant en prise avec son temps, mais surtout un artiste rebelle et engagé qui a fait de sa vie un manifeste pour dénoncer les injustices et défendre la modernité. Derrière ses lunettes noires, c’est Willem Dafoe qui incarne Pasolini tout en subtilité et sobriété.
La grammaire cinématographique très travaillée du film nous plonge au cœur même de cette introspection existentielle entre le plaisir des sens et les chimères de l’imagination. Toutefois cette caméra très épurée presque trop lisse qu’utilise Abel Ferrara a tendance à atténuer le côté subversif du cinéaste italien. Mais on retrouve avec plaisir la puissance politique et prophétique de Pasolini lorsqu’il déclare : « Nous sommes tous en danger », lors d’une interview mémorable avec le journaliste Furio Columbo. Un biopic poétique qui fait le jour sur les derniers instants d’un artiste définitivement en guerre contre le libéralisme.
Raphaël Londinsky Halbout