Que ceux qui n’ont jamais vu Presque Célèbre cessent séance tenante toute activité et filent le regarder, c’est le meilleur conseil qu’on vous donnera entre « ne mets pas ton doigt dans la prise électrique » et « NE LUI ENVOIE PAS CE TEXTO ».
Cameron Crowe a sorti en 2000 (oui, quelque chose de stylé s’est passé en 2000) un film absolument génial et cultissime, et je ne suis pas la seule à le dire puisqu’il a quand même raflé parmi sa cinquantaine de prix un Oscar du meilleur scénario, un Golden Globe du meilleur film, et un Grammy pour sa B.O.
Bien.
Presque Célèbre, c’est l’histoire de ce jeune garçon sans trop de potes ni de street cred qui vit dans les jupons de sa mère un peu stricte, jusqu’à ce que sa grande sœur quitte le foyer en lui laissant en cachette ses vinyles. « Écoute Tommy des Who et allume une bougie, et tu verras ton avenir. » Vous vous en souvenez, vous, de la première fois où un morceau vous a éveillé d’une claque bien sonore ?
Quelques années plus tard au lycée il n’est toujours pas cool et n’a toujours pas d’amis, mais il a la musique, du rock, et du bon : nous sommes en 1973.
Il écrit donc dessus des articles pour la gazette du lycée, articles qu’il est le seul à lire jusqu’à ce que le célèbre journaliste rock Lester Bangs (qui a vraiment existé) accepte de jeter un œil à un des dizaines qu’il lui a envoyés. De fil en aiguille, le rédac chef de Rolling Stone magazine l’appelle, et, le croyant plus vieux, lui propose de l’engager pour un article.
Voilà l’adolescent embarqué dans une tournée folle à travers les Etats-Unis dans le sillage de Stillwater, son groupe préféré. Il pousse alors les portes pleine de graffitis d’un nouvel univers: les coulisses des rocks stars, peuplé des fans hardcore qui suivent sans relâche les tournées de Led Zeppelin et autres David Bowie ; et d’un royaume, celui des groupies qui comme chaque royaume a sa reine : l’incroyable Penny Lane à qui une toute jeune Kate Hudson insuffle une bourrasque de charme et de candeur.
Si au départ il n’était qu’un critique rock, « l’ennemi » donc, et devait garder ses distances, il se sent plus que jamais chez lui, accepté, et enfin cool… pour un temps.
Voyage initiatique donc, de l’adolescence à la sagesse, mais coloré, bruyant, rock’n’roll, et sur un fond musical soigné. Outre les musiques composées pour le film et attribuées au groupe Stillwater, qui ne sont franchement pas indignes, les références de la B.O. sont nombreuses, et de qualité : The Who, Led Zep, Neil Young, Lou Reed, Bowie, Hendrix, du blues, j’en passe (énormément) et des meilleures, jusqu’à Simon et Garfunkel que la grande sœur brandit à sa mère coincée comme preuve que la musique moderne n’est pas nécessairement l’œuvre de Belzébuth.
Comment ne pas s’identifier à un ado un peu mal dans sa peau qui ne vit que pour une musique que tout le monde ne comprend pas ? Qui n’a pas, comme une des groupies le dit dans le film, « aimé un petit morceau de musique tellement que ça fait mal » ? Comment ne pas un tout petit peu sourire en coin à l’idée de partir en tournée VIP avec son groupe préféré jusqu’à s’en faire des amis, avec tout le folklore qui va avec, soirées déchaînées et solos de guitare ?
(Alors oui, ok, j’ai poussé l’identification un chouilla loin, oui j’ai fait mon stage de 3ème dans un magazine musical exclusivement en raison de ce film, oui ce n’est pas du tout la même chose, oui j’aurais pu m’en douter mais j’avais 13 ans des bagues et des illusions, non je n’ai pas rencontré les Stones, oui j’ai fait des photocopies, oui je suis probablement devenue adulte cynique et aigrie ce jour là, MAIS il me reste ce film définitivement radicalement génial que toute une génération garde comme film de chevet, un film qu’il faut absolument voir et revoir et qu’on garde tout près de soi parce que c’est un peu petit peu nous, celui qu’on regarde quand on a le blues – ou quand on a envie d’une bonne B.O.)
Ambre Chalumeau