Quand je serai dictateur, un poème en super 8

«  À une époque pas très lointaine, des milliers de gens ont laissé des traces de leur vie quotidienne sur des bobines de film 8 mm ou Super 8. Aujourd’hui, ces images veloutées finissent souvent dans l’oubli des greniers, des marchés aux puces ou à la poubelle. J’ai récolté sans effort une centaine de ces images. Et de façon inattendue, l’histoire de mon ami Georges a pris corps dans ce chaos. »  – Yael André, la réalisatrice

Quand je serai dictateur fait partie de ces films qui ne se laissent pas décrire aisément. Ces films qui ne se recommandent qu’immédiatement après les avoir vus, quand l’émotion est encore assez intense pour pouvoir contaminer ceux que l’on veut convertir.

Désigné comme un documentaire de science-fiction, Quand je serai dictateur est une création pleine de poésie , réalisée à partir de centaines de bobines Super 8 et 8 mm « amateurs » des années 1940 à aujourd’hui. Des morceaux de vies que la réalisatrice Yaël André a accumulé pendant dix ans, y ajoutant parfois des vidéos de son propre quotidien, «  de façon inattendue, l’histoire de [son] ami Georges a pris corps dans ce chaos ».

À travers un récit sans queue ni tête, elle raconte l’histoire de son ami George, de leurs souvenirs et de ce qu’ils auraient vécu si celui-ci ne s’était pas suicidé. Au fil d’une voix off touchante, elle s’imagine dictateur, psychopathe, mère exemplaire ou encore Dieu, prolongeant par là l’existence de Georges dans mille mondes possibles et parallèles au nôtre.

Si le but de Yaël André était de faire un film comique sur la mort, elle reconnaît elle-même que le pari n’est pas tout à fait réussi. Une saveur de mélancolie suit le film tout au long de sa durée, bien que rattrapée par l’humour et la voix du récit. Finalement, nous passons le film à osciller entre douceur et peine, sans jamais pouvoir se décider. Mais c’est justement ceci qui fait la beauté de cette œuvre, qui peut être considérée comme un véritable poème en son genre.

Par ses métaphores, la réalisatrice effleure sans pathos les grands sujets de l’existence, comme la vie, la mort, le temps qui passe et les rêves qui les accompagnent, car elle ne tente jamais de les expliquer. Elle se contente de flirter avec le réel, «  cette chose énorme que nous cadrons, contenons, métaphorisons, rêvons ou évitons de milles façons, et qui demeure fièrement inconnu » (D. Bougnoux).

Il en résulte une véritable ode à la vie, que je ne peux que vous recommander de découvrir si vous parvenez à vous laisser porter dans son monde un certes un peu étrange, mais toujours plein d’humanité.

© Yaël André

© Yaël André

 

Liana Babluani