Vincent n’a pas d’écailles mais dès qu’il entre au contact de l’eau, il développe des capacités physiques surhumaines. Il nage vite, fait des sauts de dauphin et des bonds de lapin. Mais Vincent n’est pas un super-héros. C’est un homme banal qui doit vivre avec ses facultés hors du commun. C’est l’été, il travaille, voit des copains, tombe amoureux. Mais un jour, pour défendre son ami, Vincent fait usage de sa force. Et là commence une course poursuite effrénée pour échapper à la police.
Vincent n’a pas d’écailles est le premier long métrage de Thomas Salvador, qui incarne aussi le héros à l’écran. Lorsqu’il s’agit d’un premier film, le réflexe est d’essayer de le situer dans un genre précis, de poser une étiquette sur le cinéma nouveau qu’il nous est donné à voir. Or ici, c’est définitivement impossible. Thomas Salvador crée un cinéma inclassable, qui mélange les genres (expression qu’il affirme pourtant détester, ndlr) et qui affiche une fraîcheur et un renouveau du cinéma français. La prise de risque que constitue le scénario est déjà honorable, mais sa réalisation est surprenante. Arrivée sans à priori quelconque dans la salle, j’en suis ressortie bluffée. Le film n’est pas parfait, mais il a le mérite de jouer avec les codes et avec le spectateur. Inspiration hollywoodienne qui se transforme en film d’auteur certes, mais du genre qui ne veut pas s’en donner un.
Et comme c’est agréable d’être surpris par un film. Car si le cinéma actuel propose une offre de qualité, il a souvent un goût de déjà-vu. C’est bien pour cela que Woody Allen en a lassé certain, dont moi, je l’avoue. Or, avec Vincent n’a pas d’écailles, on assiste à un renouveau créatif, tant dans sa réalisation que dans son scénario. On pense à cette vague de nouveaux réalisateurs français, qui s’essaie à de nouvelles expériences. J’ai en mémoire Deux automnes, trois hivers de Sébastien Betbeder, qui met en scène des explications face caméra façon Koh-Lanta, au sein d’un film d’auteur générationnel sur l’histoire d’amour utopique de deux trentenaires. Des critiques peuvent être faites, mais il est parfois agréable de sortir des carcans des classiques, ou de la lourdeur de certaines critiques sociales. C’est définitivement ce qu’arrive à faire Thomas Salvador avec un film léger dont la fragilité constitue à la fois une qualité et un défaut, c’est selon.
Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=j-aMoZ6g6F4
La bande annonce parle du premier film de super héros français, et non sans ironie. Car dans ce film, on traite avant tout de l’humanité des personnages que l’on rencontre, et le titre nous l’annonce sans détour. On sent évidemment en arrière-plan une fascination pour l’univers hollywoodien des super-héros, de leurs super-pouvoirs et de leur désir de sauver le monde. Il y a tout au long du film des références évidentes, que ce soit à Spiderman ou à Hulk. Les comics ont sans aucun doute été une inspiration pour le réalisateur. Mais Vincent n’a pas d’écailles s’inscrit dans une tradition française du cinéma. Il n’y a pas d’effets spéciaux numériques. En effet, les trucages sont tous home made à l’aide d’élastiques et de trampolines. Et le pari est réussi. Thomas Salvador joue avec les codes en exprimant sa singularité et nous donne à voir un spectacle ludique, étonnant et poétique. L’interprétation que nous livre le réalisateur renforce l’idée que Vincent est un personnage très ancré dans le réel, qui cherche sa place, avec ses yeux ébahis. Il ne met pas ses pouvoirs au service de l’humanité, mais simplement au service de son quotidien. Vincent est un super-héros du cinéma français. Et donc par définition, Vincent est un homme banal.
Thomas Salvador réussit à immerger le spectateur dans son univers un peu fou. Les seconds rôles sont aussi essentiels pour apporter de la crédibilité au film et redonner son humanité à Vincent. Si eux croient ce qu’il est, alors nous aussi. Il y a du suspens, de l’amour et du rire. Finalement, les clés sont réunies pour en faire un film reconnu par le public. Car certaines scènes sont loufoques, absurdes, mais jamais ridicules. Et c’est bien en cela que le pari est réussi.
Vittoria Durand
Voir aussi l’entretien avec Thomas Salvador.