N’y allons pas par quatre chemins : Your Name est probablement l’un des meilleurs films que j’ai jamais vu, et de loin. Voilà pourquoi.
La beauté à l’état brut
La première chose qui frappe dans Your Name, c’est son esthétique. Ses décors, surtout. Les personnages, dans la ligne des protagonistes de Miyazaki, ont des traits simples mais reconnaissables. Mais les backgrounds ? C’est tout simplement de l’art. Chaque plan est travaillé et coloré à la perfection, tout en nuances, ombres pastels et éclairs de lumière. Je ne pensais pas qu’un film d’animation pouvait seulement se permettre un tel détail dans sa réalisation, tout simplement parce que c’est trop long et trop cher à animer. Mais Your Name l’a fait. Et le résultat est hallucinant.
L’animation n’est pas non plus en reste. Tout est précis, fluide, parfaitement calculé. Le vent sur les feuilles, l’éclat de la mer, les expressions et les mouvements de personnages, tout s’harmonise et se complète pour former une peinture vraie et vivifiante du Japon moderne, bousculé entre modernité et tradition, ville et campagne.
Le choc entre fantastique et vie quotidienne
Pourtant, autant l’avouer tout de suite, je n’étais absolument pas attirée par Your Name. Préjugés ou lassitude, j’étais persuadée qu’il allait s’agir d’une énième romance entre un garçon et une fille perdus dans les méandres de l’adolescence ; un joli film, peut-être, mais certainement pas un chef-d’œuvre. Puis j’ai lu et entendu des critiques, et elles étaient toutes si unanimement positives que j’ai décidé de me laisser tenter.
Et c’est vrai : Your Name est une histoire d’amour. Une belle histoire d’amour. Mais c’est aussi bien plus que ça.
Laissez-moi vous résumer un peu.
Mitsuha est une adolescence vivant dans les montagnes reculées du Japon, dans le petit village d’Itomori où la jeunesse s’ennuie et les traditions perdurent. Solitaire, coincée entre un père absent, une grand-mère discrète et une petite sœur garçon manquée (qui n’est pas sans agréablement rappeler les héroïnes de Miyazaki), elle rêve de vivre à Tokyo. Son rêve ne va pas tarder à se réaliser.
Taki, lui, est un lycéen discret et bagarreur vivant à Tokyo. Dessinateur doué, amoureux d’une fille plus âgée que lui, on le sent perdu, une ombre parmi toutes celles qui prennent le métro trop tôt, l’air hagard et le regard fixe.
Alors qu’une comète millénaire – symbole du tsunami de Tohoku ? – s’apprête à déchirer le ciel, Mitsuha et Taki s’aperçoivent qu’ils échangent leurs corps plusieurs fois par semaine, sans jamais se souvenir ce que l’un ou l’autre a fait pendant ce temps. Ils établissent alors rapidement une drôle de relation à distance, à grand renfort de textos et de messages taquins, sans jamais s’être seulement rencontrés.
Outre les inévitables situations comiques qui résultent d’un échange de sexe, Your Name dépeint surtout les sentiments. La solitude, la quête de sens, les tâtonnements d’une jeunesse universelle qui s’étonne et se cherche. Surtout, le réalisateur Makoto Shinkai réussit à introduire le fantastique – que ce soit sous la forme d’une météorite mystique, d’un échange de corps ou d’un rituel ancestral – dans un quotidien désenchanté, comme un rappel que le monde est bien plus beau qu’on n’a tendance à le penser.
Puis, une fois le décor soigneusement planté et la routine installée, le drame peut s’installer.
Un labyrinthe de toile
Dans Your Name, le fantastique, le rêve, le chevauchement du passé et du présent, se mêlent comme autant de fils rouges pour tisser une œuvre dramatique d’une rare intensité. Parce que, oui, Your Name est un mélodrame. La perte d’un être cher, le choc de la rupture, la solitude… sont autant de thèmes récurrents dans l’oeuvre de Makoto Shinkai, mais ils atteignent ici une vérité et une profondeur qui frôlent la perfection. Et si le scénario est finalement bien plus complexe qu’il n’en a l’air, il évite cependant les confusions et lassitudes qui planent toujours autour des films fantastiques en poupées russes, ceux où les histoires se coupent et se recoupent tant qu’il devient difficile, voire impossible, de s’y retrouver.
Je suis ressortie de Your Name avec la boule au ventre, et un curieux sentiment de plénitude. Celui qui accompagne généralement la découverte d’un film ambitieux, pas nécessairement éclatant d’originalité – après tout, on y retrouve avec un petit plaisir coupable toutes les mimiques typiques des animes japonais –, mais qui a su tenir toutes ses promesses, et mener à bien chacune des pistes lancées au cours de son histoire. Your Name est non seulement un chez-d’œuvre esthétique, mais c’est aussi un récit drôle, déroutant, poignant, du genre qui vous laisse éperdu une fois que la lumière se rallume. Et puisqu’il vient de devenir le film japonais le plus vu de tous les temps, on suppose que le beau voyage de ce film enchanteur est loin d’être terminé.
Margaux Salliot